le littoral du nord, faisons notre dernière excursion maritime.
En entrant dans le Pacifique et remontant vers le nord, nous rencontrons la baie de sir Francis Drake, un flibustier anglais jadis fameux. Nous apercevons ensuite les ruines d’un établissement que les Russes avaient élevé a l’époque où ils faisaient avec les Indiens et les trappeurs de ces contrées le commerce des fourrures, époque déjà éloignée où la Californie du Nord n’appartenait au Mexique que de nom. Après avoir doublé le cap Mendocino, nous entrons dans la baie de Humboldt, le seul point vraiment intéressant à visiter sur la côte septentrionale de l’État californien. Une dizaine de scieries à vapeur y travaillent nuit et jour à débiter pour l’exportation les bois des forêts voisines. Ce sont surtout ces magnifiques sapins blancs et rouges si estimés dans tout le Pacifique, et qui s’expédient même jusqu’en Australie et en Chine.
Non loin de Humboldt-Bay est situé le port de Trinitad, et, à la limite du nord de l’État, le port de Crescent-City, auquel l’exploitation des placers du rivage donna une certaine importance en 1852. Mais cette ville n’a de curieux que son origine même, et les environs sont encore habités par les Indiens. Le lecteur, en se rapportant aux pages 41 et 45, peut comparer de visu les traits principaux de leur existence avec ceux de la vie du mineur.
J’ai décrit, tel que je l’ai vu, l’État de Californie, et je ne sais si la plupart de mes lecteurs conservent toujours contre ce pays les mêmes préjugés fâcheux qu’ils devaient avoir avant de commencer à me lire. Pour moi, quand je quittai cette heureuse contrée, ce ne fut pas sans un vif serrement de cœur que je dis adieu à ses rivages. L’Amérique du Sud, vers laquelle je me dirigeai, ne m’a offert dans aucune de ses vieilles républiques rien qui puisse être comparé au jeune État californien. Je voudrais faire partager mon sentiment à tous mes compatriotes, car en Europe et en France surtout on est resté, au sujet de la Californie, sous le coup de la triste impression produite par les récits des premiers temps. On ignore généralement que la Californie n’a pas tardé à devenir un État modèle. Si l’émigration française ne s’y porte plus depuis longtemps, l’émigration allemande, irlandaise et surtout américaine prend toujours volontiers cette route, et chaque année la population de l’État californien s’accroît de quinze à vingt mille habitants. La Californie joue en effet, pour les Yankees, le rôle d’une véritable terre promise. Où retrouver ce climat exceptionnel, ces mines inépuisables, ces terres fécondes et plantureuses ? Des salaires encore privilégiés et même une fortune rapide y attendent l’immigrant sérieux. De faciles relations commerciales y sont ouvertes avec le monde entier ; et si d’une part la Californie donne la main aux îles anglaises et néerlandaises, à la Chine, au Japon, à tout l’archipel océanien, à toutes les colonies espagnoles du Pacifique, de l’autre elle est en communication journalière avec tous les États de l’Atlantique, du nouveau comme de l’ancien continent.
Quelle situation géographique plus heureuse fut accordée à un pays naissant ? quelle colonie rivale pourrait-on opposer à ce jeune et vigoureux État, qui a marqué d’une étoile de plus le drapeau constellé de l’Union ?