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plus capable de le mieux dépeindre. À une lieue et demie de Chalco, le touriste se dirigeant vers les volcans monte une petite côte, passe devant la magnifique filature de Miraflores, et se, trouve à quelques milles au delà, devant le village à demi ruiné de Tlalmanalco. Au milieu du cimetière, près de l’église moderne, s’élèvent les superbes arceaux dont la création remonte aux premiers temps de la conquête. Ces ruines, selon M. Laverrière, sont les restes d’un couvent de franciscains, dont les travaux restèrent inachevés.

L’architecture de ces arceaux est vraiment extraordinaire, et la forme des colonnes, les chapiteaux et les sculptures tiennent du mauresque, du gothique et de la renaissance. La création est tout espagnole et reporte l’imagination de la cathédrale de Burgos à l’Alhambra. L’ornementation porte un cachet mexicain, riche, capricieux, fantastique et mi-symbolique.

Mais si le dessin est espagnol, l’exécution est toute mexicaine, et l’ensemble de l’œuvre a l’empreinte des deux civilisations. Les ruines de Tlalmanalco sont uniques dans leur genre au Mexique, et l’on ne retrouve nulle part rien qui leur puisse être comparé.

Il reste au voyageur, pour bien connaître la vallée, une excursion a San Agustin, à Tacubaya et à Nuestra Senora de Guadelupe. San Agustin est un assez joli village à quatre lieues au sud de Mexico. Toute sa célébrité lui vient du jeu qui, à la fête patronale, attire les Mexicains et les étrangers qui viennent y tenter la fortune. Il faut avoir, au moins une fois dans sa vie, assisté à cette réunion extraordinaire où la dignité la plus exquise préside aux arrêts de l’aveugle déesse.

Dans une salle immense s’étend un vaste tapis vert, disparaissant sous des amas d’or. On y joue au monte, espèce de lansquenet. Le banquier n’a qu’une chance raisonnable, et les probabilités sont bien partagées, à l’opposé des jeux de Hombourg, qui sont une véritable duperie.

L’enjeu est considérable ; rien ne vient contrarier la chance du joueur, la ponte étant illimitée.

Portrait de M. D. Charnay. — Dessin de Mettais d’après une photographie.

Vous pouvez, en principe, si vous en avez les moyens, ponter le total de la banque sur table, c’est-à-dire de quatre à cinq cent mille francs. Cela s’appelle tapar et monte. Il faut ajouter que ce cas est rare, mais un bonheur quelque peu suivi arrive à ce résultat.

Entrons. La salle est pleine. L’or seul est admis. Les cartes s’étalent et s’appellent. Perdants ou gagnants reçoivent ou repontent sans qu’un geste malheureux ou qu’une parole déplacée vienne interrompre la partie qui se continue. Au milieu de cette assemblée où se déroulent les péripéties de la plus terrible des passions humaines, on entendrait voler une mouche, le silence est absolu. Combien cependant s’éloignent désespérés !

On parle d’un padre riche, qui quelquefois arrive suivi d’un domestique porteur d’un talegue d’or (quatre-vingt-cinq mille francs). Il s’arrête, regarde un instant les coups, combine, observe, calcule et se décidant pour une carte qui lui plaît, dépose comme enjeu la somme entière.

Le croupier appelle, il écoute sans émotion apparente, gagne ou perd avec le même calme, allume tranquillement une cigarette et se retire.

Les fêtes de Tacubaya n’ont point la même célébrité ; on y joue comme partout au Mexique. Mais la merveille de Tacubaya, c’est la propriété de don Manoel Escandon, résidence délicieuse, entourée d’eau, coupée de lacs et de cascades, et contenant toutes les flores du globe. Un horticulteur émérite en dirige l’entretien, et nous rendons hommage à l’urbanité charmante du propriétaire de la villa et de son neveu don Pepe Amor, qui en font les honneurs avec tant de grâce.

Guadelupe est un village à deux lieues au nord de Mexico. Un chemin de fer vous y mène en quelques minutes.

Guadelupe est le grand pèlerinage du Mexique. La Vierge y possède une chapelle privilégiée où les miracles se succèdent sans relâche. Placée au sommet d’une pointe de rocher relié à la chaîne principale, et qui fait promontoire dans la plaine, la chapelle regarde Mexico et permet au voyageur de parcourir de l’œil tout le panorama de la vallée.

Au pied du rocher une fontaine merveilleuse, cou-