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borna à quelques réprimandes, espérant que le temps apaiserait l’indignation populaire.

Mais le désespoir et la colère des Mexicains arrivèrent à leur paroxysme, et la mort de Montézuma ne permit plus l’espérance d’aucun arrangement. Ce fut alors une guerre à mort, sans trêve ni merci. Les arquebuses et les coulevrines furent impuissantes contre ce flot toujours renouvelé d’assaillants désespérés. Les Espagnols indécis, troublés, durent songer à la retraite. Cortez lui-même perdit en cette circonstance la présence d’esprit qui ne l’avait jamais abandonné. Devant l’énormité du péril, son courage chancela ; il voulut fuir et crut déguiser sa retraite à la faveur d’une nuit pluvieuse.

La troupe espagnole, suivie des Tlascastlecas ses alliés, abandonna donc cette ville témoin de tant de triomphes. Chaque soldat chargé d’or suivait péniblement la route obscure ; nul danger apparent n’arrêtait sa marche, la ville était silencieuse. Quelques heures encore tout était sauvé. Mais au moment de franchir les ponts de la rue de Tlacopan, des milliers de guerriers surgirent de tous côtés. Ce fut une mêlée horrible, un mélange épouvantable de cris de douleur et des hurlements de rage, un combat sans nom, où l’élite de la troupe espagnole périt sans gloire dans les eaux bourbeuses des fossés et sous la hache impitoyable des Mexicains. Cortez, Ordaz, Alvarado, Olid et Sandoval échappent avec peine suivis d’une poignée des leurs. Ils fuient et s’éloignent désespérés, n’osant rappeler cette nuit sanglante.

Place de Santo Domingo, à Mexico. — Dessin de Catenacci d’après une photographie de M. D. Charnay.

Ils arrivèrent ainsi jusqu’à Popotlan où Cortez, pleurant, dit-on, vint s’étendre sous les vieux cyprès.

« Ô Cortez ! s’écrie un de nos compatriotes[1], Alvarado et vous tous valeureux comme Thésee, mais insatiables comme Cacus, vous ne méritez pas des statues de marbre, mais d’argile. Loin d’être les apôtres de la civilisation, votre valeur n’a servi qu’à l’abrutissement du peuple dont vous deviez améliorer le sort en l’initiant aux mystères d’une destinée supérieure.

« Que reste-t-il de vos actions héroïques ? Un peuple déchu de son ancienne splendeur ; d’un christianisme douteux et s’enfonçant chaque jour dans une abjecte barbarie : quelques pages glorieuses, mais impures, une rue du nom d’Alvarado, un vieil arbre décrépit et solitaire, devant bientôt mêler ses cendres à celles des malheureux dont il rappelle le souvenir funèbre. »


Les ruines de Tlalmanalco. — Les deux routes conduisant du plateau de Mexico au rivage du golfe.

C’est encore à notre savant ami, M. Jules Laverrière, que le voyageur de la vallée de Mexico doit la découverte des ruines de Tlalmanalco et quelques renseignements sur leur origine (voy. page 368). Du reste, nul mieux que lui ne connaît le plateau, et personne n’est

  1. M. Jules Laverrière.