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montagnes Rocheuses, les autres doublèrent le cap Horn. Ceux-ci s’arrêtèrent aux Sandwich d’abord, puis abordèrent en Californie. De là, ils gagnèrent le lac Salé, où les attendaient leurs coreligionnaires.

Mais les Mormons, avec une grande foi, possédaient tous très-peu d’argent, et il fallait vivre dans ce pays nouveau. Et puis, comment traverser la Sierra, dont les flancs étaient couverts de neige à cette époque de l’année ? Les Mormons allèrent demander de l’ouvrage à Sutter. L’un d’eux, l’Américain Marshall, fut employé à la scierie de Coloma, que le capitaine Sutter faisait alors construire.

Par une froide matinée de janvier, comme Marshall descendait vers la rivière, il aperçut, au fond du canal amenant l’eau au moulin, un minéral de couleur jaune et brillante. Il s’assura par le poids et tous les caractères extérieurs que c’était bien de l’or.

Il s’empressa de collectionner quelques pépites, et, ne pouvant en croire ses yeux, fit part de sa découverte à Sutter. Mais rien ne pèse tant qu’un secret, a dit le bonhomme, et bientôt la découverte fut partout divulguée.

Les villes espagnoles du littoral californien, Monterey, San José, Los Angeles, qui faisaient un certain commerce, virent partir leurs habitants pour les placers de Coloma. Bientôt, toute l’Amérique, du nord au sud, s’ébranla à son tour. Enfin, l’Europe, puis toute l’Asie et l’Océanie entrèrent dans le mouvement. On connaît cet immense courant d’émigration qui poussa un moment tous les peuples à la recherche fiévreuse de l’or On sait les désordres qui s’ensuivirent dans l’Eldorado. La Californie, à peine conquise, ne jouissait encore d’aucune loi. Mais dès que l’État a été constitué, le trouble et l’agitation ont cédé la place au travail régulier et au bon ordre. La loi de Lynch et les comités de vigilance ont bien vite purgé le pays de tous les convicts australiens, de tous les loafers et rowdies américains, enfin de tous les bandits des deux mondes, écume de toutes les nations, et que les nations avaient rejetés de leur sein pour en faire cadeau à la Californie.

Arastra ou manège mexicain pour le traitement du minerai aurifère. — Dessin de Chassevent d’après une gravure américaine.

Comme nous arrivions à Folsom, nous traversâmes une plaine basse et humide, dont les émanations malsaines occasionnent la fièvre en été. Cette plaine de Folsom et celle plus étendue des Tulares, dans le sud de la Californie, sont les seuls endroits marécageux du pays. C’est à tort qu’on avait accusé dans le principe le climat de l’Eldorado d’être fatal aux Européens. La Californie offre le plus beau climat du monde, c’est la contrée la plus salubre de la terre. L’été, la chaleur, bien que fort élevée, est facile à supporter, à cause des brises du matin et du soir, et de la sécheresse de l’air. À l’automne, viennent les pluies, et la terre se couvre d’une herbe verdoyante qui s’élève dans les champs, baignée par une eau bienfaisante. C’est à peine s’il tombe un peu de neige l’hiver. Les pluies, souvent torrentielles, durent plusieurs jours ; mais dès que les nuages ont disparu, le ciel devient aussi pur, aussi brillant qu’en été, et la température des plus douces. Tel est le climat enchanteur qui attend l’émigrant dans le pays de l’or ; et le ciel si vanté de Nice et de Naples n’approche pas du ciel californien. Si quelques mineurs, dévorés par les fièvres, ont succombé dans l’Eldorado, c’est qu’ils avaient pris à Panama ou en mer le germe de leur maladie. Le travail de la terre développe aussi, surtout sur un sol vierge, des émanations malfaisantes, et beaucoup de chercheurs d’or ont dû succomber dans le principe aux effets de cette fièvre, que les médecins appellent la fièvre des terrassiers.

Une des choses qui, en arrivant à Folsom, me frappèrent le plus vivement, fut le nombre incalculable de diligences qui nous attendaient au débarcadère.