ou châle, comme on voudra le nommer en français, mais qu’on appelle sarape au Mexique, et poncho au Chili. Ce vêtement est formé de bandes aux couleurs vives, et présente sur le milieu une ouverture par où l’on passe la tête.
Les Espagnols des colonies, comme les Castillans d’Europe, sont d’une sobriété poussée à l’extrême, et se nourrissent de mets imaginaires. Ils sont aujourd’hui au nombre d’environ quinze mille en Californie. Ils étaient autrefois plus nombreux ; mais ils ont dû fuir devant les tracasseries et même les poursuites des Américains, qui les détestent parce qu’ils sont de sang mêlé. Les Chiliens et surtout les Mexicains se sont quelquefois vengés cruellement des injustices de leurs oppresseurs. Non-seulement ils se servent du machete avec une dextérité qui étonne, mais ils sont aussi d’une adresse surprenante à lancer le lazo ou nœud coulant, et ils en font dans leur pays un usage terrible en enlevant, au grand galop de leur monture, un piéton sur la route et même un cavalier sur son cheval.
Les Anglais et les Irlandais sont très-répandus en Californie, où ils sont presque aussi nombreux que les Espagnols venus des colonies. Ils se fondent facilement avec la race américaine, et parlent d’ailleurs la même langue. Les Anglais sont de très-bons mineurs dans le quartz, et nul n’égale sur ce point leur force et leur adresse. Beaucoup sont arrivés des mines du Cornouailles, ce comté d’Angleterre si justement renommé pour ses mines de cuivre, de plomb et d’étain. Les Irlandais ne sont pas mineurs, et s’emploient dans des ouvrages secondaires. Les Anglais et les Irlandais ont, comme les Américains, un faible très-prononcé pour les boissons spiritueuses. Les Irlandais joignent parfois à ce défaut une conduite peu exemplaire ; et le dernier supplice, celui de la pendaison, a souvent été infligé pour leurs méfaits aux fils incorrigibles de la verte Érin.
Les Français, dont le nombre était jadis beaucoup plus élevé, atteignaient encore en 1859 le chiffre de quatorze à seize mille. Ils se montraient à Coulterville, comme sur tous les placers, avec les qualités et les défauts que la Providence a départis à notre race. Joyeux et actifs au travail, personne mieux qu’eux ne sait égayer un camp de mineurs. Ils manient avec adresse le pic et la pelle, mais ils se dégoûtent vite, et ne s’entendent jamais entre eux. L’esprit de discipline ne fait pas le fond de notre caractère. Nous ne sommes pas non plus des colons stables, nous aimons le changement. Le Français de Californie fait un peu tous les métiers sans jamais s’arrêter à aucun. Enfin, une grande partie de son temps se passe à regretter le beau pays de France qu’il voudrait bien revoir. De là une série de mécomptes, de déboires ; de là une espèce d’inquiétude, de gêne, de mauvaise humeur continuelle qui font prendre la Californie en grippe à presque tous les mineurs nos compatriotes. La Californie n’est pour eux qu’un enfer : elle aurait dû être un Éden, une véritable terre promise.
Les Allemands, comme les Anglais et les Irlandais, dont ils égalent à peu près le nombre, ont fait preuve de plus d’union que nos compatriotes sur les placers de l’Eldorado. Ils sont, il est vrai, restés fidèles au culte de la pipe et de la bouteille, mais la plus grande harmonie n’a pas cessé de régner entre eux, et ils s’en sont très-bien trouvés. Je n’ai pas connu d’Allemands à Coulterville, au moins dans les mines et les placers ; mais j’en ai rencontré plusieurs dans certains comtés du nord, comme celui de Nevada. Enfin, beaucoup sont établis à San Francisco, où ils ont fondé des maisons de commerce. Ils se placent aussi comme commis dans les maisons américaines. Polyglottes distingués, ils parlent avec une égale facilité l’anglais, l’espagnol et le français, souvent presque aussi couramment que leur langue maternelle.
Les Italiens étaient bien peu nombreux sur les placers, tant dans le comté de Mariposa que dans tout le reste du pays, quand je visitai la Californie. La plupart avaient renoncé au métier de mineur, pour lequel ils n’ont aucun penchant, et s’étaient faits marchands ou pêcheurs. Ils ont pour ces deux métiers et de longue date une propension très-décidée.
Restent les Canadiens dont je dois dire quelques mots. Venus à pied en Californie à travers les plaines de l’Amérique du Nord, les Canadiens exercent principalement dans le comté de Mariposa le métier de bûcheron et de charbonnier. La plupart ne parlent que le français, la langue de leurs aïeux, et s’en font gloire. Ce sont de courageux et infatigables travailleurs, doux, honnêtes et fidèles à leur parole. Ceux d’entre eux qui s’occupent sur les placers ne sont guère heureux dans leurs recherches ; ils gagnent à peine de quoi vivre au lavage de l’or.
Le groupe de mineurs dont je viens d’esquisser à grands traits, par catégories de races, les types généraux est disséminé en dehors de Coulterville. Chaque mineur vit dans sa cabane, seul ou avec un camarade et souvent plusieurs. Il en est ainsi pour les quatre-vingt ou cent mille mineurs répandus du nord au sud sur toute l’étendue de la Californie : tous vivent en dehors du centre de population voisin de leurs travaux. — Quand les mineurs sont employés par un patron dans une mine ou un moulin à quartz, on les loge souvent tous ensemble dans une grande baraque, et ils mangent à la cantine. Les mineurs indépendants des placers préparent eux-mêmes leur nourriture dans la cabane qu’ils habitent.
La population des camps, comme on appelle en Californie les centres miniers, est un peu différente de celle des placers. Voici par exemple la manière dont se groupaient les habitants de Coulterville en 1859. Il y avait environ deux cents Américains, tenant hôtels, buvettes, cafés, salles de billard, magasins et exerçant divers métiers ; cinquante Italiens, dont quelques-uns marchands et la plupart jardiniers ; trente Français, blanchisseurs, bouchers, forgerons, boulangers ; quarante juifs allemands, tenant magasins d’habits confectionnés ou autres ; environ autant d’Irlandais et de Mexicains et Chiliens, diversement et souvent point du tout occupés. On comptait enfin quelques nègres, cordonniers, barbiers, baigneurs ou blanchisseurs ; et quelques rares Chinois, me-