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au-dessous de trente-deux dans les endroits les plus frais. La nuit il varie de vingt-huit à trente degrés. Vers dix heures du matin, une petite brise de mer apporte un peu de soulagement et dissipe pour le reste du jour les nuées de moustiques qui rendent les nuits si fâcheuses parfois. Nous étions en outre à l’époque des fièvres malignes qu’engendre, dans la saison pluvieuse, l’action du soleil sur les marécages voisins où pourrit un vaste détritus végétal. En dépit de ces considérations humanitaires, je pense que le capitaine du port, Arnau, aurait pu nous laisser déjeuner, mais il nous assura que nous trouverions des vivres disposés par ses ordres l’entrée des montagnes, et qu’il était urgent de partir avant que la chaleur devînt plus forte. Un vieil Indien fut chargé de nous servir de guide.

Côte et port de San Blas, province des Jalisco. — Dessin de E. de Bérard d’après M. Vigneaux.

Nous passons un petit pont de bois jeté sur un ruisseau, ou plutôt une crique, qui débouche dans l’estero de l’arsenal. Le sentier vient ensuite loger un monticule abrupt de vingt et quelques mètres d’élévation ; il serpente au milieu de blocs de rochers tapissés de verdure, dont chaque interstice nourrit les racines d’un arbrisseau. La ville est située sur cette hauteur qui ne la met pas précisément à l’abri des miasmes délétères, mais où, cependant, la chaleur est un peu moins impitoyable que sur la plage. Les seuls puits qui fournissent l’eau potable à toute la population du delta sont situés au bas de ce morne.

Nous traversâmes un des faubourg : la ville me parut triste et dépeuplée. Elle l’est en effet à cette époque où l’on n’y trouve guère que sept à huit cents habitants. Vers le mois de janvier, la sécheresse et l’abaissement de la température atténuant quelque peu la mal’aria, une foule de gens d’affaires qui s’étaient réfugiés à Tépic au mois de juin, y reviennent, et portent alors le chiffre de la population à deux mille âmes environ.

Côte de San Blas (partie sud). — Dessin de E. de Bérard.

À quelque distance de la ville, on traverse l’estero vaseux de San Cristoval, qui isole le plateau de la terre ferme ; ses bords sont couverts d’arbres touffus. Un bac des plus primitifs sert de trait d’union entre les deux rives. En face du point où l’on débarque s’ouvre une large mais courte avenue dans les bois. Au delà s’étendent, jusqu’au pied des montagnes, des marais maigrement boisés : c’est ce foyer de miasmes qui rend ces régions redoutables pour l’étranger et même pour le créole.

La route par laquelle on nous conduit est une traverse