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ils émigrent annuellement vers leurs villages, et pour peu qu’une difficulté s’élève entre la peuplade et les créoles, circonstance assez fréquente, l’émigration devient générale et Guaymas manque de bras.

Le port est vaste et sûr, abrité qu’il est de tous les vents par les hauteurs qui lui font ceinture ; c’est le meilleur de la côte occidentale du Mexique. La rade proprement dite, c’est-à-dire l’espace qui s’étend devant la ville à l’intérieur des îlots élevés d’Almagre et de la Ardilla, pourrait contenir aisément deux cents navires de tous tonnages. Le fond de la baie est partout de bonne tenue et le flot y dort dans une éternelle placidité qu’atteste la structure fantaisiste du môle et du quai. Devant l’étroit goulet qui y donne accès du côté de la mer, s’étend comme un ouvrage avancé l’île escarpée del Pajaro (de l’Oiseau), gigantesque brise-lame contre lequel s’épuisent les fureurs de l’Océan.

Outre Guaymas, son port principal, la Sonora a pour principaux centres de population : Ures, le chef-lieu nominal ; Hermosillo, Alamos et Arispe. La première et la dernière de ces villes ne comptent que quinze cents habitants. Les deux autres en ont de six à huit mille. Les incursions des Apaches, fréquentes et régulières comme le retour des marées, ont dépeuplé cette riche et vaste contrée. Quelques tribus indiennes, comme les Pimas, les Papagos, les Opatas savent se faire respecter d’eux ; les créoles, peu nombreux et fort disséminés, ont trop souffert pour cela : la population s’est concentrée autour des villes et de quelques haciendas fortifiées, où l’on demeure sur un qui-vive perpétuel. Au delà du trentième parallèle, on ne rencontre que ranchos en ruine et troupeaux rendus à la vie sauvage. Sur chacune de ces ruines, il y a une histoire dramatique de meurtre, de viol, de pillage, d’incendie.

Aguadors ou porteurs d’eau à Guaymas. — Dessin de Riou d’après un croquis de M. Vigneaux.

Les mines ne sont plus hantées que par quelques intrépides gambusinos, travailleurs indépendants et isolés, aussi leur renom est-il perdu, et cependant le sous-sol de la Sonora est riche en métaux de toute espèce, particulièrement en argent.


Combat entre les Français et les Mexicains. — Défaite et emprisonnement des premiers. — Départ pour San Blas. — Le cerro San Juan. — San Blas. — Esteros. — Paysage.

Le 13 juillet, les rues de Guaymas furent le théâtre d’un engagement sanglant entre les troupes mexicaines et le bataillon français. On sait quelle fut l’issue de ce combat ; les Français, après avoir perdu cent hommes environ, sur trois cent cinquante, enveloppés par des forces de beaucoup supérieures, demeurèrent prisonniers entre les mains de D. Jose Maria Yanez, gouverneur de l’État de Sonora.

On nous enferma dans une des deux casernes occupées précédemment par nos compatriotes, vaste bâtiment