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liennes, quelquefois même par des colonnes et des frontons. Ce qui est plus italien encore, c’est l’amour des fresques. Il date de loin et les plus vieilles sont les meilleures. Une d’elles à demi effacée semble fort belle. On en fait d’autres : près de l’hôtel des Trois-Maures, on se hâte de badigeonner une façade immense avec toute l’histoire des Fuggers, ces banquiers passés princes ; elles ont du maniéré, de la lourdeur et un coloris criard que toutes les brumes de la Bavière ne rendront jamais harmonieux.

Une fontaine, à Augsbourg.

À l’arsenal, un beau groupe en bronze ; dans quelques églises, des grilles en fer curieusement ouvragées et où le marteau a rivalisé de souplesse avec le pinceau du plus délié dessinateur d’arabesques ; de jolies fontaines : surtout celle d’Hercule terrassant l’hydre de Lerne ; enfin à l’hôtel de ville, des poêles, en terre cuite, superbes de goût, de caprice. et d’exécution : voilà les vrais monuments de l’art à Augsbourg.

Le Rathhaus (hôtel de ville) est très-vanté ; c’est peut-être bien à cause d’une salle intérieure, réellement immense, qui est dorée comme un livre de jour de l’an et qu’on appelle la salle d’or (der goldene sâal) ? ce n’est assurément pas pour sa large façade à six ou sept étages, percée de grandes fenêtres à pilastres et surmontée d’un fronton que couronne une pomme de pin en bronze, mais triste, sans saillie et sans style ; encore moins est-ce pour ses dômes écrasés et le beffroi qui l’avoisine, le Perlach thurm, également coiffé d’une énorme coloquinte.

J’ai enfin le secret de ces clochers qui m’ont tant intrigué jusqu’ici. Élias Holl et tous les architectes qui ont semé la Souabe, la Bavière et l’Autriche de ces formes orientales sans les comprendre, ont apporté de Venise toutes les variétés de la coupole byzantine, pointue ou évasée, entière ou coupée soit par tranches, soit par moitié, superposée en double et triple rang, ou finissant en un col long et mince qui porte la girouette ou le paratonnerre. Notre vieux clocher carré, trapu, à pignon élancé pyramide bien mieux et se termine par des plans très-inclinés, comme il convient sous un climat de pluie et de neige ; de même que la coupole convient sous le soleil torride de l’Orient pour protéger contre lui de larges espaces et assurer de la fraîcheur et de l’ombre à l’intérieur des édifices. Que chez nous même, au-dessus du sanctuaire, la voûte s’élance plus haute pour donner plus d’espace à la prière, qu’elle s’arrondisse en coupole et domine avec grâce et fierté le reste de l’édifice, comme à Saint-Pierre de Rome, aux Invalides de Paris et à Saint-Paul de Londres, rien de mieux. Mais quand elle devient ce quelque chose sans nom qui écrase aux Tuileries de ses pans quadrangulaires le chef-d’œuvre léger et charmant de Philibert Delorme, ou lorsqu’elle surmonte, comme en Allemagne, tant de clochers qui ressemblent à un bilboquet terminé par sa grosse boule, le mince et le léger portant l’épais et le lourd, voilà qui me paraît un contresens pour les yeux et pour l’esprit.

Ajoutez que ces dômes de mosquée sont habituellement en cuivre brun, en tôle ou en fer-blanc, ce qui fait sur les toits toute une chaudronnerie reluisant au soleil.

Je ne puis pas quitter Augsbourg sans vous dire que de son grand commerce d’autrefois elle a gardé une cui-