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Souabe, sous un ciel lumineux, mais voilé d’une brume légère. Sur la route passaient paysans à pied et à cheval, causant un peu, fumant toujours, et je m’arrêtai devant un chariot qui n’en finissait pas. C’était un tronc de sapin équarri, posé sur quatre roues et que traînaient des bœufs sans joug, les traits ajustés par un frontail de cuir au bas des cornes, avec un bridon à mors comme celui des chevaux.

Un bourg wurtembergeois.

Sur le sapin étaient assis à califourchon, dos par-ci, face par-là, toute une troupe de bons voisins et voisines. Tout à fait à l’arrière et à l’abri des curieux, sous la voûte d’un immense parapluie rouge, deux amoureux se parlaient à l’oreille. On en voit partout en Allemagne, et je ne m’en plains pas. J’aime bien la fauvette qui chante dans les rameaux d’un acacia en fleurs ; mais j’aime mieux encore cette voix du cœur qui soupire dans l’âme de deux fiancés. C’est une des meilleures choses que le bon Dieu ait faites, et les Allemands ont bien raison de ne point cacher les chastes amours qui deviennent ensuite la bonne et durable affection du foyer domestique, un des traits les plus honorables de la société allemande.

Le Hohenzollern.

J’avais déjà remarqué, le long de ma route, comme les ouvriers allemands aiment leurs aises. À Kehl, le cantonnier est assis, masqué, matelassé, et casse ses pierres dans une casserole de fer sans fond pour que les éclats ne lui sautent pas aux doigts. Ici, je rencontre un paysan qui vient de rouler son champ. Sur le rouleau est établi un siége commode où un gros Allemand fume sa longue pipe de faïence, les yeux à demi clos, et laisse marcher son bœuf d’un pas tran-