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fiente blanchie les aigles, sombres et fiers habitants du sommet du mont.

Arrêté par cet obstacle, je tournai à droite et je m’engageai dans un petit col qui pouvait me mener au versant oriental, d’où j’espérais embrasser du regard la route d’Abyssinie jusqu’à Sabterat. Mais mon léger paletot fit une connaissance si désastreuse avec les arbres épineux du col, que je dus m’avouer vaincu, et, de peur d’être bientôt entièrement dépouillé me contenter de la vue de la portion de l’oasis qui entoure Kassala.

Je n’étais pas trop à plaindre. À la hauteur où j’étais, les roches seules de la montagne me montraient leurs vraies proportions, leurs anfractuosités et leur végétation aride et dure. Tout le reste m’apparaissait réduit aux proportions d’une miniature adoucie et comme arrangée pour la mise en scène. Les épaisses forêts de l’oasis ne formaient qu’une sorte de fourré immense d’un beau vert sombre que rayait d’une ligne blanche le lit desséché du Gache. Au bord de ce large fleuve trompeur semblait dormir la ville, entourée et comme escortée de ses faubourgs aux cinq ou six nationalités séparées.

Dinka réparant un tambour. — Dessin de Karl Girardet d’après M. Lejean.

Les forêts s’étendaient comme une mer vers l’occident, par delà de la vallée de l’Atbara, par delà Goz-Redjeb et ses collines que j’aurais probablement pu voir avec un peu d’attention. Sur la gauche s’estompait, dans un air transparent, une sorte de long cône d’un nom plus trivial que son aspect : c’était l’Abou-Gaml (père de la vermine). Les cultures étaient comme noyées dans les bois, et cependant l’oasis de Taka est une sorte de Flandre nubienne, grâce à ce diminutif de Nil nommé le Gache qui la fertilise tous les ans pendant quatre mois et lui fournit une réserve d’eau le reste de l’année.

Le Gache est un fleuve assez discret d’allures. D’où vient-il ? On est à peu près assuré (mais rien qu’à peu