paysan près du foyer et le nid de la cigogne sur le toit. Voilà ce qu’il aime, et il l’aime ici : car il est Danois jusque dans le cœur.
Paludan Müller est un vrai lyrique d’une fantaisie singulière. Hols excelle dans la chanson martiale. Qui ne sait et ne scande par moments le Petit trompette ? Hols serait sans effort le Gleim du régiment, le Tyrtée du Danebrok.
Hertz doit être placé très-haut parmi les poëtes dramatiques et lyriques. Son style est accompli. Sa mère, avant d’accoucher, s’écria que l’appartement était en feu ; on la calma en lui apprenant que ce feu était une illumination en faveur de la naissance d’un prince royal. Elle tira de cette circonstance un augure favorable qui est bien justifié.
Hauch est un très-grand écrivain. Il a réussi dans le drame. Il a traité aussi avec beaucoup de succès le roman historique et l’a marqué d’un cachet personnel.
Ingemann est le Walter Scott et le Perrault du Danemark. Les vieillards, les femmes, les jeunes filles le lisent et le relisent. Les enfants l’idolâtrent. Du continent et de toutes les îles de la patrie, les enfants se sont cotisés pour faire un présent à Ingemann. Ils lui ont acheté une corne d’or aussi haute que celles des buffles, aussi colossale que celles dont les vieux Scandinaves se servaient pour boire l’hydromel. Cette corne est sculptée et ciselée de petits bas-reliefs qui représentent les principales figures des ouvrages d’Ingemann. Le jour où une timide députation a offert cette coupe bizarre au poëte a été pour lui un beau jour. Des témoins mêmes ont partagé l’attendrissement d’Ingemann. Ils sont revenus enchantés de cette scène touchante de Sorö. Ils avaient trouvé Ingemann plus aimable, le lac plus riant et les arbres plus grandioses dans leur antiquité.
Aborder Gundtvig, c’est aborder la religion elle-même. Gundtvig est poëte aussi, mais il est par surcroît historien et théologien. Il a le don de l’infini. Après trois siècles, Luther a trouvé en Gundtvig un éloquent interprète et il en a été agrandi. Le Mélanchthon inspiré de nos jours a été le narrateur des temps primitifs et mythologiques du Danemark. Ce puissant réacteur contre la philosophie de la révolution française était un simple pasteur de paroisse ; ce qui n’a pas été un obstacle à sa double influence sur le développement pieux et patriotique de son pays. La fortune lui est arrivée tard, et, en daignant l’accueillir, il a semblé accorder une faveur. À soixante-seize ans, il a épousé une très-grande dame éprise de son génie et de ses vertus. Il a plus de quatre-vingts ans aujourd’hui, sans cesser d’être jeune de la jeunesse immortelle. Gundtvig est un homme qui, s’il était plus connu, serait vénérable à toutes les nations autant qu’à sa patrie.
Finn Magnussen est célèbre à d’autres titres. Né en Islande, il a déchiffré les manuscrits islandais. Il était le Burnouf indigène du sanscrit scandinave. Il avait la clef des ruhnes et des traditions ; sa mort a été une calamité européenne.
Il avait séjourné, ainsi que moi, au château de Glorup, avec Rask et avec les deux Œrsted.
Ces deux illustres Œrsted ne pouvaient vivre l’un sans l’autre. Le plus grand, le physicien, est le Newton du Danemark, dont le jurisconsulte a été le Papinien. Ils étaient aussi aimables dans le monde que féconds dans la solitude. Pour exprimer leur union fraternelle on les avait surnommés Castor et Pollux. Ils sont restés deux constellations du Danemark. Ils n’étaient en désaccord que sur la politique. Le physicien croyait au progrès que niait le jurisconsulte. Le premier se représentait l’esprit humain comme un fleuve qui avance toujours ; le second comme un lac dont les mouvements alternatifs se brisent contre les bords dans une éternelle impuissance.
Il y a d’Œrsted, le physicien, qui était l’homme de génie des deux, un mot charmant sur Rask : « Je l’envie, disait-il ; moi, si je sors de la Séeland ou de la Fionie, je suis arrêté à chaque pas. Un aubergiste m’importune, un postillon m’embarrasse. Rask, lui, qui sait toutes les langues, tous les dialectes, tous les patois, pourrait partir de Copenhague et y revenir par le tour du monde. Non-seulement il se tirerait d’affaire partout, mais il en remontrerait sur sa route aux sauvages non moins qu’aux académiciens. Il rectifierait en se jouant les grammaires, les dictionnaires et les conversations. »
Je terminerai cette nomenclature par un des noms les plus populaires de la génération actuelle du Danemark, par le nom d’Andersen.
Rien n’est plus touchant que la biographie de cet écrivain. Il est né à Odensée d’un pauvre ouvrier. Il a été bercé dans une de ces petites maisons dont un pot de fleurs, un oiseau et un rayon égayent le dénûment Quelquefois cependant, quoique rarement, ce dénûment devient de la misère. C’est ce qu’éprouva Andersen : Son père mourut. Sa mère manqua de pain. Il résolut de lui en trouver. Il alla glaner dans les champs. Les moissonneurs le chassèrent d’abord de la voix, puis avec le fouet. Le généreux enfant ne se découragea pas. La muse le conseilla. Il avait douze ans à peine. Il