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nirs et toutes les divinations de l’histoire, par les aspects nouveaux de la nature, de l’art et de l’homme.

Les femmes et les hommes, comme en Fionie et dans les îles, ont en général les cheveux blonds et les yeux bleus. Les foules se pressent dans les rues. Les marchés, les places, les remparts sont envahis par une multitude toujours croissante.

Les maisons dans tous les quartiers sont admirables. Il y en a de gothiques, il y en a de modernes. Elles sont bâties de briques danoises ou de pierres transportées d’Allemagne. Elles ont presque toutes la couleur rouge de la tuile ou une teinte olivâtre que l’on aime en Danemark.

Deux canaux d’eau douce coulent parallèlement aux remparts et enserrent la ville de leurs doubles replis. Ils communiquent aux ports, et, entre leurs rives, les navires se dirigent à volonté le long des quais vers les magasins. Chaque magasin à une grande porte à deux battants sur le canal. C’est par cette porte que se débarquent les marchandises, ce qui donne par toute la ville une accélération de mouvement à la fois très-utile et très-pittoresque.

Dès quatre heures, un peu avant l’aube, j’ai entendu avec un singulier plaisir le chant des veilleurs de nuit. Ils se correspondent de quartier en quartier, et, de ma chambre, je distingue trois de ces crieurs tutélaires. Ils me rappellent le veilleur de Glorup, un musicien rustique de Fionie.

Mon appartement est en face de Christiansborg, le vaste palais du roi et de la diète. De mon balcon, j’ai considéré devant moi le château et la chapelle, le musée de Thorwaldsen qui y touche, et le grand bâtiment rouge ou résident plusieurs ministères, entre autres celui de la guerre. À ma droite, s’étend le marché d’Amac et s’élève la maison dite de Divecke ; à ma gauche, se développe la principale façade de la bourse. Je l’aperçois à travers les cordages des navires qui se balancent sur le canal au-dessous de mes fenêtres.

Je suis descendu afin d’examiner successivement et de près ces monuments.

Le marché d’Amac m’a amusé un instant. C’est là que les habitants de l’île de ce nom arrivent par des chars à deux chevaux, et vendent, du haut de ces chars, leurs fruits et leurs légumes.

La maison qu’une tradition douteuse attribue à Divecke intéresse par ses ornements gothiques et par le souvenir de cette jolie fille d’un aubergiste de Hollande devenue la favorite d’un roi. Sa vie fut un éclair entre les deux orages de cruauté et de vice que résument les noms de sa mère Siegbrit et de son amant Christian II.

Christiansborg est un palais immense, colossal. Ce fut Christian VI qui le construisit à force de millions, de bras et de temps. Trois mille ouvriers travaillèrent à ce château pendant six années. Il fut dévoré en quelques heures par un incendie et rebâti sur les mêmes plans par Frédéric VI. Le musée de Thorwaldsen est rattaché aux flancs du palais comme une barque et un vaisseau gigantesque. Mais la barque n’a pas moins de prestige que le vaisseau ; car si lui porte la royauté de la naissance, c’est elle qui porte la royauté du génie.

La bourse est à une centaine de pas de Christiansborg et du musée de Thorwaldsen. Elle me paraît un des plus beaux monuments de Copenhague. Elle regarde l’église de la marine et elle élance au-dessus des navires du canal sa flèche très-originale, faite de quatre serpents tordus de la tête à la queue en spirale.

J’ai terminé mon exploration par la tour Saint-Nicolas, Nicolai Taarn. Cette tour, reste d’une église mitraillée et détruite par les Anglais, en 1807, est de forme carrée et de couleur rouge. Je ne saurais jamais dire assez combien, avec ses balcons, ses balustrades et ses teintes diverses, elle me plaît de loin et combien elle est pittoresque dans toutes les perspectives.

Après midi, M. de Moltke et moi, nous avons été dans le faubourg du Nord aux trois lacs qui suffiraient à une autre ville, mais Copenhague a la mer par surcroît.

À dix minutes des lacs, nous avons visité dans une serre le grand lis des eaux, le vaudillien. La fleur, blanche un jour, rouge le lendemain, est adorable. Les feuilles, de dix-huit pieds de circonférence, ont en dessous un réseau de racines inextricables. Cette plante, colossale comme le lotus du Gange, est entretenue dans un bassin ovale. Un grain acheté en Angleterre, cultivé dans cette serre à vingt et un degrés et dans ce bassin à vingt-sept degrés de chaleur, n’a pas mis plus de six mois pour s’épanouir en ce magnifique nénufar.

J’ai voulu voir l’hôtel de ville. Ce n’est plus celui de Christian IV ; c’est celui des bourgeois de Copenhague qui l’ont bâti sur les ruines de l’ancien. Cet hôtel de ville est bien un édifice municipal, plus solide qu’élégant. L’inscription qui le décore m’a semblé digne d’être conservée :

My Lov skal
Man Land bigge.

« C’est sur la loi qu’il faut fonder le pays. »

L’église Saint-Pierre (sancte Peters) et son clocher méritent l’attention du voyageur. La cathédrale, appelée l’église Notre-Dame (Früe kirke), la mérite encore plus, à cause des œuvres que Thorwaldsen lui a consacrées. Ces œuvres sont capitales : sur le fronton, c’est saint Jean-Baptiste prêchant le peuple ; et, dans l’intérieur, c’est le Christ avec les douze apôtres. De tels travaux, fussent-ils les seuls d’un autre artiste, suffiraient à son immortalité ; mais Thorwaldsen créait sans cesse et disait : « À moins des travaux d’Hercule, je ne serai jamais content. »

La flèche de la cathédrale était fort belle avant 1807. Nelson la démolit, à cette date, avec sa mitraille anglaise.

Intérieur de l’église Notre-Dame, à Copenhague. — Dessin de Thérond.

L’université se recueille à côté de l’église. Cette université de Copenhague a une grande puissance, une grande richesse, un grand niveau de science et d’intelligence. Elle a beaucoup de professeurs distingués ; quelques-uns ont un talent supérieur.

Que l’université se défende de dégénérer en coterie,