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l’angle saillant qu’elles présentent vues de dos, sont des signes semblables qui tournent avec l’équerre et suivent les deux côtés. Ces singulières inscriptions conservaient, selon toute apparence, des textes religieux qui, dans ces temps où la religion s’enveloppait de mystère et se cachait aux yeux du peuple, avaient été avec intention, et peut-être comme talismans, de même que les idoles que l’on trouve enfouies, placées derrière les plaques de revêtement du mur. Au reste, cette particularité n’a rien de plus surprenant que celle que présentent les briques cuites qui font partie du mur, et qui portent également de petites inscriptions qu’on ne pouvait évidemment pas voir, posées à plat comme elles étaient.

Indépendamment des inscriptions ainsi placées derrière les plaques sculptées ou accompagnant les bas reliefs, il y en a encore un grand nombre d’autres, et ce sont les plus longues, sur les larges dalles qui forment le pavé de toutes les portes. Il est probable, d’après quelques indices que l’on y retrouve, que ces caractères devaient avoir reçu des incrustations métalliques destinées à les protéger contre le frottement des sandales de ceux qui avaient leurs entrées au palais du grand roi.

Chambranle de porte, à Khorsabad (Ninive). — Dessin de M. E. Flandin.

Tel est l’ensemble des monuments si heureusement découverts à Khorsabad. On peut dire que jamais, à aucune époque, on n’a fait une découverte archéologique aussi imprévue que celle des palais retrouvés sous ce village arabe. Les idées qu’on avait sur Ninive étaient très-confuses, très-contradictoires. En faisant la part trop large aux récits figurés et éminemment poétiques de l’Orient, on était tout près de croire fabuleuses les traditions de la Bible ou les pages d’Hérodote. Les monuments de Khorsabad auront pour résultat de justifier Hérodote et la Bible aux yeux de ceux qui les accusaient d’exagération, comme ils révèlent, dans toute sa majesté et toute son élégance, un art qui fait comprendre à quel degré de civilisation était déjà arrivé cet empire, qu’on n’avait encore jugé grand que par ses conquêtes[1].

Eugène Flandin.



  1. Postérieurement à la mission de M. Eugène Flandin, les fouilles de Ninive ont été continuées avec une grande activité et un succès remarquable par plusieurs savants français et anglais. M. Vivien de Saint-Martin veut bien préparer pour nous, sur ce sujet, un travail qui fera connaître l’ensemble des découvertes et les diverses conjectures auxquelles elles ont donné lieu.