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petit ménage, de trouver à me loger dans le voisinage des bois, non pas vierges, mais tels qu’ils étaient, faute de mieux.

Un jour, devant la porte du consul, je me lamentais de ne rien pouvoir faire, quand de loin nous vîmes un jeune homme monté sur un cheval blanc.

« Voilà votre affaire, me dit-il ; c’est M. G…, un ingénieur français ; il a fait une route dans les bois, et il connaît tous les Indiens des environs, les ayant employés à ce travail. »

Il l’appela. M. G… se mit à sa disposition, et une heure après nous courions la campagne. Nous entrâmes dans le bois où la route avait été faite par ses ordres. Nous découvrîmes une case bien cachée par les arbres. Elle appartenait à un médecin, et était habitée par deux Indiens, homme et femme. Nous allâmes de suite chez le propriétaire, qui, sans hésitation, me donna la permission de m’y loger, lorsqu’il aurait fait faire quelques réparations indispensables.


Nazareth. — L’art et la chasse dans les bois. — Boas. — Les négresses. — Les marchés.

M. G… me conduisit chez lui, à Nazareth, et ne voulut pas me laisser retourner à Pará ; J’acceptai volontiers, car j’avais un moyen de le remercier : c’était de faire son portrait que je donnerais à sa famille, dont il était séparé depuis longtemps. Je pris pour logement une grande pièce au rez-de-chaussée, où j’installai mon hamac et mes instruments pour la peinture, la préparation des animaux, les produits photographiques et mes ingrédients de chasse.

M. Benoît commença son service par casser une bouteille contenant du nitrate d’argent, et le fit assez adroitement pour tacher complétement un pantalon que je mettais pour la première fois. Il s’excusa beaucoup, et je vis bien qu’il prendrait garde à l’avenir et que je pouvais être tranquille, car le même jour il mit son pied sur une glace qui séchait contre le mur, et sur laquelle j’avais photographié M. G…, en attendant la peinture dont je voulais lui faire la surprise.

M. Benoît fuit quand on l’appelle.

J’allai le lendemain dans le bois : la chaleur me joua de mauvais tours ; mon collodion ne coulait pas ; l’éther séchait immédiatement. Je n’en persistai pas moins à vouloir travailler. Me défiant un peu de M. Benoît, j’avais chargé un grand gaillard de nègre de porter mon bagage ; puis je l’avais renvoyé. M. Benoît avait suivi de loin, et tout le temps que je passai à travailler, il resta immobile, appuyé sur un grand bâton. J’évitais de regarder de ce côté : son air et sa pose m’agaçaient ; j’avais tort, car sans doute il attendait mes ordres. Il cherchait à deviner mes goûts, et, comme il était plein de bonne volonté, je pouvais espérer qu’il me serait fort utile un jour. Je lui fis gentiment signe d’approcher : aussitôt il s’empressa de s’en aller le plus vite que sa jambe le lui permit. Je fus obligé de courir après lui, et comme il était un peu sourd et que son organisation le faisait se méprendre sur les intentions autant que sur les paroles,