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quantité de collines isolées. Les forêts disparaissent, et l’on commence, en approchant de la capitale, à voir quelque culture, c’est-à-dire des champs de riz. Là où le riz n’est pas cultivé, le sol est couvert de cette herbe, courte et d’un goût amer, que j’ai souvent remarquée à Sumatra, et qui malheureusement n’est d’aucune utilité, puisque le bétail ne l’aime pas.

Le territoire d’Émirne ne semble pas non plus être très-peuplé, et même près des rizières j’ai souvent cherché inutilement les villages qui pouvaient être cachés derrière les collines. Je remarquai seulement dans les rares groupes d’habitations que nous traversâmes, que les huttes n’étaient pas ici, comme sur la côte, construites en bois ou en bambou, mais en terre ou en argile. D’ailleurs elles ne sont ni plus grandes, ni plus commodes, ni mieux meublées que celles des provinces maritimes.

La plus grande partie des habitants de Madagascar ne possède que quelques nattes de paille pour couvrir le sol nu et quelques pots de fer ou d’argile pour cuire le riz. Je ne vis nulle part de lits, ni même de caisses en bois pour serrer les habits et autres objets. Il est vrai qu’ils n’ont besoin ni des uns ni des autres ; car le sol leur sert de couche, et toute leur garde-robe se réduit, la plupart du temps, à un simbou unique qu’ils passent la nuit par dessus leur tête. Ceux qui poussent le luxe à l’excès se couvrent encore d’une des nattes de paille qu’ils fabriquent eux-mêmes. Une aussi complète absence de toutes les commodités de la vie ne s’était encore jamais offerte à moi que chez les sauvages de l’Amérique septentrionale, dans le pays d’Orégon.

Types malgaches. — Dessin de E. de Bérard d’après nature.

À quelques milles du village d’Ambatomango, où nous avions passé la nuit du 29, nous vîmes venir à notre rencontre une grande foule, musique militaire en tête. C’était une sorte de députation que le prince Rakoto, fils de la reine Ranavalo et héritier présomptif de la couronne, envoyait au-devant de M. Lambert pour lui témoigner son affection et son estime.

La députation se composait de douze des fidèles du prince, d’une troupe de soldats et d’un chœur de chanteuses.

Les fidèles de Rakoto, au nombre de quarante, rappellent tout à fait les leudes ou antrustions des anciens chefs germaniques. Ce sont de jeunes nobles qui ont tant d’amour et de vénération pour ce prince, qu’ils se sont engagés par serment à le défendre contre tout danger jusqu’au dernier homme. Ils demeurent tous dans son voisinage, et dans chacune de ses excursions il est toujours accompagné au moins d’une demi-douzaine de ces fidèles, bien qu’il n’ait pas besoin de cette espèce de garde, aimé comme il l’est de la noblesse et du peuple.

Cette députation prodigua à M. Lambert les mêmes