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Opération désagréable.


VOYAGE AU BRÉSIL.


PAR M. BIARD[1].


1858-1859. — TEXTE ET DESSINS INÉDITS[2].


Suite de ma promenade dans la forêt-vierge. — Les Indiens Puris. — Opération désagréable. — Les cancrelats et la couleur rouge.

Je marchai longtemps, toujours escorté de mes ennemis les moustiques, sans pouvoir, à cause d’eux, me décider à faire le moindre croquis. Après une descente très-rapide, j’arrivai après d’un torrent, où j’allai bien vite me désaltérer et me laver les pieds et les mains : son eau coulant sous les arbres et toujours dans l’ombre, était pourtant chaude, du moins presque tiède. J’ai appris plus tard que ce torrent était la limite d’une certaine quantité de terrain accordée par le gouvernement à une petite tribu indigène, les Puris. J’étais en ce moment sur leur territoire. Je vis quelques plantations, des ricins, des orangers, des citronniers et des champs de manioc.

Quand je parus dans le voisinage des cases, les femmes et les enfants se sauvèrent à toutes jambes. Les hommes, plus hardis, tinrent ferme, mais parurent fort étonnés surtout à la vue de mes collections d’insectes, sorte de curiosité tout à fait inconnue chez eux. Je ne remarquai d’ailleurs rien d’hostile dans leur façon de m’examiner ; loin de là, voyant que, grâce à la trêve que me laissait l’éloignement des moustiques, j’allais préluder à mon déjeuner en ramassant quelques oranges sur le sol, deux de ces Indiens, armés d’une grande perche, vinrent vers moi, firent tomber une demi-douzaine de ces beaux fruits, et me les offrirent avec la meilleure grâce du monde. Dès que je fus assis sous les orangers, mes deux nouveaux amis prirent sur eux de s’approcher encore plus près de moi. Mon couteau de chasse, mes flacons pleins d’insectes, mon couteau à plusieurs lames les préoccupaient beaucoup…

Il était déjà tard : le soleil avait fourni les deux tiers de sa carrière, et moi j’avais bien autant de chemin que lui à faire pour retourner à mon gîte ; je rentrai dans la forêt, en notant du regard les sites qu’il serait le plus

  1. Suite et fin. — Voy. page 1 et 17.
  2. Tous les dessins de ces livraisons sur le Brésil ont été exécutés par M. Riou d’après les croquis et sous les yeux de M. Biard.