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posé sont obligées d’attendre. Les gouvernements semblent être comme beaucoup de particuliers : tant qu’ils ont peu d’argent ou même des dettes, ils sont généreux et prodigues ; mais aussitôt que la fortune leur arrive, ils deviennent économes et avares. Le gouvernement de Maurice du moins paraît être dans ce cas, et malgré son trésor bien rempli, il est beaucoup plus regardant que nos États européens écrasés de dettes. Dira-t-on peut-être que ce n’est pas là une misérable parcimonie de construire un pont si étroit à l’endroit le plus animé, le plus passager de la ville ? Deux autres ponts en moellons, à peine terminés, s’écroulèrent pendant mon séjour, mais heureusement sans blesser personne. Les gouverneurs ne songent ici qu’à remplir les caisses de l’État ; leur plus grande gloire est de pouvoir dire que sous leur administration le trésor s’est accru de tant et tant de mille livres sterling. D’après cette manière de voir, le gouverneur actuel, trouvant beaucoup trop élevé le devis présenté pour la construction des deux ponts en pierre, avait fait des réductions, ici sur les matériaux, là sur la main-d’œuvre, et son économie est tombée dans l’eau.

Le quai, à Port-Louis. — Dessin de E. de Bérard d’après nature.

La ville possède aussi une promenade appelée Champ de Mars, mais qui est peu fréquentée, et un théâtre sur lequel joue une troupe française.

Les gens riches vivent la plupart dans leurs maisons de campagne, et ne viennent que pendant la journée à la ville.

La vie des Européens et des créoles est à peu près la même à Maurice que dans l’Inde anglaise ou dans l’Inde hollandaise : au lever du soleil on prend une tasse de café au lait qu’on vous apporte dans votre chambre à coucher ; entre neuf et dix heures, la cloche sonne pour le déjeuner, composé de riz et de quelques plats chauds, et à une ou à deux heures, on goûte avec des fruits ou avec du pain et du fromage. Le principal repas a lieu le soir, et d’ordinaire seulement après sept heures.

Église des Pamplemousses. — Dessin de E. de Bérard d’après nature.

La vie est très-chère : la nourriture est peu délicate, le loyer des maisons et les domestiques se payent des prix exorbitants. L’entretien convenable mais fort simple d’une famille ayant trois ou quatre enfants coûte par mois deux cent cinquante à trois cents écus (l’écu vaut 5 francs 20 centimes). Les domestiques, quoique infiniment moins nombreux que dans l’Inde, dépassent de beaucoup le nombre de ceux qu’on emploie en Europe. Les familles qui font peu de dépense ont d’ordinaire un domestique, un cuisinier, un homme pour porter l’eau et nettoyer la