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planche une petite bûche en guise de cloison. Plus loin, je rangeai les flacons, les épingles, les planchettes d’aloès que j’avais sciées et passées à la râpe. Dans le troisième casier furent déposés les scalpels, les ciseaux, le savon arsenical, les balances. Je ne dois pas oublier le livre où je devais apprendre les premiers éléments de la photographie, art auquel j’étais alors aussi étranger qu’à celui de préparer les animaux, qui d’ailleurs n’étaient pas encore tués. Dans le même casier que les balances se trouvaient les produits chimiques.

Mon installation.

Une fois les instruments de toutes mes diverses branches classés, je songeai à travailler. Cependant il me fut démontré que tout n’était pas terminé. Par économie j’avais voulu me priver de la tente nécessaire à la photographie ; il ne me fallut pas longtemps pour me convaincre qu’il m’était impossible de m’en passer. Puis le premier jour où je voulus essayer de faire de la photographie, je cassai mon verre dépoli, et l’humidité fit décoller tous mes instruments. Je passai quinze jours à réparer ces malheurs en même temps qu’à me faire une tente, au moyen de quelques étoffes que je trouvai dans mes malles et de trois jupons déguenillés empruntés à la vieille cuisinière. J’eus d’ailleurs l’heureuse idée d’adapter ma tente à mon parasol de paysagiste. J’attachai à chaque baleine une ficelle, puis à l’aide de pieux que je fichai en terre, je fis en sorte que ma tente ne fût pas trop bousculée par le vent : or ce vent du Brésil vient régulièrement tous les jours vers huit heures du matin. Tout bien considéré, il me parut qu’il serait assez difficile d’obtenir un résultat photographique quelconque : avant huit heures trop d’humidité, après huit heures trop de vent ; le moyen de rien faire de bon ? Je commençai à croire qu’il serait sage d’abandonner la photographie et de revenir tout simplement à la peinture, d’autant plus que les pluies qui alors tombaient à torrents, ne me permettaient plus de sortir. J’avais des Indiens sous la main et je résolus de composer un tableau. Mais, comme dit le proverbe, j’avais compté sans mon hôte. Au premier mot, sur ce sujet il me fit des objections : « Les Indiens sont superstitieux, me dit-il, jamais ils ne voudront poser. » Quant à lui il trouvait trop délicat de le leur proposer. Je parvins néanmoins à persuader et à peindre un de nos Indiens domestiques ; il ne fallait pas songer à en persuader un second. Polycarpe s’était déjà montré fort mécontent.

J’avais exprimé le désir d’avoir un canot, et un homme pour me ramener vers un de ces endroits de notre route fluviale d’où j’avais rapporté tant de beaux souvenirs ; l’homme et le canot ne venaient point. Pour éviter le vent, j’avais conçu l’idée d’aller dans l’intérieur des bois et d’y faire mes études au moyen de photographies ; mais pour cela encore me fallait-il un homme, car il s’agissait de porter un bagage assez lourd. Impossible de trouver cet homme.

Polycarpe, mon premier indien.

Un jour cependant je rencontrai un Indien ; je liai conversation avec lui, je lui prêtai mon fusil, de la pou-