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maux, ordinairement si vigilants, ne s’aperçoivent plus de l’approche de l’ennemi. L’hôte le plus dangereux du désert, le céraste ou vipère cornue, est aussi très-commun dans les ravins ; il se tient de préférence au pied des jujubiers sauvages. En allant à Methlily, un peu avant le lever du soleil, je me baissai devant un de ces arbustes pour tâcher de découvrir une plante parasite assez rare qui s’attache à leurs branches ; je mis la main sur le sable, à deux ou trois centimètres d’un céraste qui, engourdi par la fraîcheur de la nuit, regagna son trou, clopin clopant, sans même m’honorer d’un sifflement. Mon guide, qui aperçut le reptile, récita bien à cette occasion la valeur d’un te Deum en Hamdou Lillah !

Touaregs. — Dessin de Hadamard d’après une photographie de M. le docteur Puig.

Une des choses les plus importantes chez les Beni-Mezab, c’est le régime des eaux[1], si l’on peut se servir de cette expression dans une contrée où cet élément est si rare. Il pleut ici cependant plus souvent qu’on ne serait tenté de l’imaginer. J’ai même vu, pendant mon séjour, une petite pluie d’orage qui dura vingt minutes. C’était à Beni-Izguen. Mais il y a loin des petites pluies qui doivent être ordinaires en hiver, à ces sortes de déluges qui fournissent assez d’eau pour que des torrents se forment au fond des vallées, entraînant tout sur leur passage et engloutissant hommes et chameaux. Je désirerais beaucoup être témoin d’un de ces phénomènes cet hiver ; ce serait un complément intéressant des observations que j’ai eu l’occasion de faire sur le climat de ce pays. Chose singulière et que je cherche en vain à m’expliquer, ce sont les vents de sud-sud-est qui amènent la pluie ; dans les années où le vent du nord prédomine, on est presque sûr que l’eau manquera. La vallée de l’Oued-Mezab reçoit près d’ici deux affluents ; le plus considérable est l’Oued-Netisa, que l’on remonte pendant quelque temps pour aller à Methlily. La ville de Beni-Izguen est bâtie à l’endroit où il se réunit à la vallée principale. L’autre, qui est plutôt un ravin, se nomme Zouil ; la petite ville de Melika est perchée sur le faîte d’un rocher qui se trouve à son embouchure et fait face à Beni-Izguen. Bounoura la Borgne (car tel est le surnom bien justifié de cette ville ruinée) se trouve située plus loin en descendant la vallée, et enfin El’Ateuf, que je n’ai pas encore vue, est encore plus bas. Les plantations de palmiers ont été établies autant que possible à l’origine des vallées. La véritable forêt de dattiers de Ghardaya est loin de la ville, en remontant l’Oued-Mezab ; les plantations des Beni-Izguen sont dans l’oued-Netisa ; et enfin, les palmiers peu nombreux de Melika sont plantés à la naissance du ravin de Zouil. Cet arrange-

  1. Ce régime des eaux, véritablement remarquable, signalé par M. Henri Duveyrier, vient d’être étudié avec soin par M. Ville, ingénieur en chef des mines, que le gouvernement français a envoyé à cet effet dans le Mezab.