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on est obligé de le traverser par des passes, fortifications naturelles que les Mexicains n’ont pas su utiliser dans leur dernière guerre contre les États-Unis.

La grande Cordillère des Andes, qui longe toute l’Amérique du Sud, traverse l’Amérique centrale et court du sud au nord dans le Mexique, est connue dans ce dernier pays sous le nom de sierra Madre. La même chaîne de montagnes s’élève toujours vers le nord dans la Californie, ainsi que dans l’Utah, où elle porte le nom de montagnes Rocheuses (voy. t. I, p. 274). La sierra Madre forme la partie occidentale de l’État de Chihuahua. Les indigènes de ces montagnes sont les Indiens Tarahumaras, aux mœurs douces ; ils sont tous catholiques : les uns vivent paisiblement de la culture de la terre, d’autres du produit de la chasse.

La sierra Madre est très-boisée et fournit à l’État des bois de construction. Les montagnes, au contraire, qui forment la partie est, sont peu boisées. Les Indiens Apaches, les plus sauvages de toute l’Amérique, y vivent en grand nombre (voy. t. I, p. 369). Ils ont leurs rancherias dans les abords du Rio-Grande, ainsi que vers le nord, sur le Rio-Gila.

Notre itinéraire nous obligeait à marcher au pied de la grande chaîne sur les plateaux, en laissant par conséquent à notre gauche la sierra Madre, que nous ne perdions jamais de vue. Le paysage était des plus ravissants.

Le 1er juin, nous nous arrêtâmes à l’hacienda de la Cadeña, où nous demandâmes la permission de camper dans le corral, ce qui nous fut accordé.

Ici les haciendas ont un caractère différent des établissements de ce genre que j’avais vus jusqu’alors.

On nomme hacienda un domaine qu’on pourrait comparer aux anciens manoirs de l’Europe. Autour de l’habitation du maître se groupe une population de trois ou quatre cents habitants. Les terres qui dépendaient de l’hacienda de la Cadeña paraissaient à peine cultivées. Cet abandon s’explique par les continuelles invasions des Apaches. L’on ne comprendrait même pas que les habitants puissent vivre sur ces terres incultes, si la facilité d’élever de nombreux troupeaux dans les pâturages toujours verts ne compensait pas jusqu’à un certain point la négligence forcée de toute culture.

La construction des haciendas les fait ressembler à de vraies fortifications. Elles sont entourées de grandes murailles, flanquées de quatre tours avec des meurtrières, comme dans les villes. Les azoteas forment des terrasses avec créneaux, derrière lesquels les Mexicains se défendent contre les Indiens.

L’ameublement intérieur est réduit à sa plus simple expression ; il consiste en grandes tables basses couvertes de peaux de bœufs non tannées sur lesquelles on se couche. Le plus souvent les habitants étendent leurs peaux devant la porte sur la terre, et là, enveloppés de leur manteau, ils dorment à la belle étoile. Ce fut le parti que nous fûmes obligés de prendre, et le seul avantage que nous trouvâmes à dresser notre camp dans le corral d’une hacienda, fut de ne pas avoir de garde à monter la nuit. On ferma la grande porte cochère ; c’était assez pour nous mettre à l’abri d’un coup de main nocturne.

Le lendemain nous poursuivîmes notre route, toujours à travers un pays agréable et par un beau temps. Nous trouvions de l’eau en abondance et nous foulions une végétation luxuriante. L’homme seul manquait.

Nous voyageâmes ainsi pendant quatre jours. Le 5 juin, nous arrivâmes à l’importante hacienda de Rio-Florido, appartenant à M. Urkidi qui, à cette époque, était le président du sénat de l’État de Chihuahua. Cette habitation est un vrai palais qu’on est très-étonné de trouver sur ce sol désert. Je suppose que c’est un ancien couvent ; une église assez vaste tient au bâtiment principal, et ce dernier a pour portail une grande galerie qui se compose de treize colonnes en pierre de taille, de style moresque, et formant un ensemble des plus gracieux. L’hacienda est située au bord du Rio-Florido. Cette rivière prend sa source sur le col de l’hacienda de Guadalupe, dans l’État de Durango, entre dans cet État en passant par l’hacienda de Canutillo, poursuit son cours nord-est jusqu’à la villa de Jimenez, et de là se dirige nord-ouest jusqu’à ce qu’il rencontre le Rio-Conchos à Santa Rosalia. Son parcours est de quarante-neuf lieues et demie.

Les rivières de Balsequillo, Carmen, Allende et Hidalgo sont ses affluents. Les cours de ces dernières sont de douze et demie, seize, vingt-trois et trente-huit lieues.

Nous fîmes une halte d’environ deux heures, près de l’hacienda, pour faire reposer nos mulets et nous approvisionner de vivres frais : à côté des bâtiments se trouve une boutique assez bien fournie.

Le lendemain, 6 juin, nous nous arrêtâmes dans un village du nom de Sapato, point peu important, n’ayant même pas une église, chose très-rare dans ce pays. La population y paraît très-pauvre. Plusieurs jeunes gens, n’ayant pour tout vêtement qu’un calsonero, vinrent nous offrir de l’herbe, que nous achetâmes pour nos mulets.

Le 9 juin, après une marche de trois jours, nous arrivâmes à l’hacienda de San Antonio de la Ramada. En cet endroit la vue se repose enfin sur de beaux champs de froment et de maïs : on est ramené au spectacle de la civilisation. Nos chevaux et nos mulets y trouvèrent un abondant fourrage.


    et se composait de quatre subdélégués, qui avaient titre de juges des quatre branches (quatro ramos) : l’intérieur, la guerre, la justice et la police. Les deux seuls conseils de la ville (ayuntamientos) avaient leur siége, l’un à Parral, et l’autre à Chihuahua. Chaque présidio militaire était gouverné par un commandant.

    En l’année 1824, l’État de Chihuahua fut érigé et divisé en douze départements (partidos).

    Le département ou canton est administré par des conseils de ville (ayuntamientos), des juntes municipales (juntas municipales) et des juges de paix (alcades conciliadores). L’État a un gouverneur : chaque municipalité de deux mille âmes a un gouvernement municipal.

    Les ayuntamientos ont au moins un président, un alcade, deux régisseurs et un procureur ; mais jamais plus d’un président, de deux alcades, de huit régisseurs et de deux syndics (sindicos).

    Tous les fonctionnaires publics sont nommés à l’élection ; il n’y a que les officiers de l’armée qui relèvent du gouvernement central de Mexico.

    L’État a un sénat et une chambre des députés : comme les États-Unis, chaque État se gouverne lui-même.