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zas, elles jouissent d’un embonpoint extraordinaire, ont les ongles teints en rose avec du henné et portent suspendue au cou, ou aux cheveux, une profusion de corail, de cornalines et de boules d’ambre. Quelques-unes ont aux oreilles plusieurs anneaux d’or fort lourds, toutes ont des bracelets d’argent ou de cuivre aux bras ou à la cheville. Complétement étrangères à tout sentiment de pudeur, elles affectaient les poses les moins discrètes, et nous demandaient par signes si nous les trouvions jolies. La galanterie ne permettait pas de leur répondre négativement. Après les femmes viennent les captifs, les tentes et les bagages.

Les guerriers yayas-ben-othman sont généralement grands, corpulents, ont de longs cheveux, plutôt bouclés que crépus et ne paraissent pas exempts de mélange de sang noir. Toute la smala s’arrêta plusieurs fois pour être spectatrice des courses à cheval et à chameau et des fantasias des jeunes guerriers.

Leurs chevaux sont de petite taille ; ils ne méritent pas la réputation que leur fait généralement l’exagération arabe qui les compare à des gazelles ; on peut tout au plus les mettre sur la même ligne que nos plus petits chevaux de Tarbes. Bien que nous nous soyons tenus derrière l’escorte du chef, celui-ci ne nous a pas adressé la parole, et je me suis fait une triste idée de sa courtoisie. Il a l’habitude de faire attendre les envoyés des princes voisins pendant plusieurs jours sans s’occuper de l’objet de leur mission. On nous cita même beaucoup de cas où il était resté un mois sans les recevoir.

Marabout de l’Adrar. — Dessin de Bertall d’après une photographie.

Le 30, j’ai vu deux de ses fils à qui j’ai fait comprendre que je n’étais pas un Maure, que nous autres blancs nous n’attendions pas et que je demandais à parler à leur père. Depuis trois jours nous étions assaillis par les curieux du camp d’Ould-Aïda et des camps voisins ; on faisait plusieurs jours de marche pour venir nous voir ; à la porte de notre tente se trouvaient toujours plus de quarante personnes à qui il fallait montrer nos armes, ma boussole, mon sextant, mon thermomètre, etc., décidément nous avions plus de succès que n’en ont à la foire bien des animaux curieux.

Quelques instants avant la prière du coucher du soleil, Ould-Aïda me fait appeler à cent pas de ma tente ; il est assis sur une peau de mouton, que porte toujours un esclave qui le suit ; il a avec lui deux de ses fils ; j’arrive avec mon interprète, je le salue à l’européenne, et je m’assois en face de lui. C’est un homme petit, trapu, aux larges épaules, il a un embonpoint très-prononcé. Il porte sur la figure, les mains et les pieds les traces d’une maladie dont il est loin d’être débarrassé : la lèpre.

Plus âgé que Mohammed-el-Habib, il a de cinquante-cinq à soixante ans, et quoiqu’il paraisse plus vigoureux que ce chef trarza, je doute qu’il vive aussi longtemps ; Il est d’une activité infatigable, monte très-souvent à cheval ; il a la réputation d’un chasseur émé-