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sembler pour causer des affaires de leur pays. C’est dans ces réunions que les griots, auxquels est réservé le privilége de connaître l’histoire, leur racontent les hauts faits qui ont illustré leurs chefs et leurs ancêtres. Elles se tiennent sur une place du village ; les hommes sont assis sur une sorte d’estrade de vingt à trente mètres carrés, élevée de quatre-vingts centimètres du sol, et formée de bambous juxtaposés et soutenus par des traverses et des pieux fichés en terre.

En temps ordinaire, le Bambouk produit suffisamment pour sa consommation ; mais sa fertilité en ferait facilement le grenier du haut pays. Il tire quelquefois du mil du Gadiana et aussi des pays du sud et de l’est en échange de son or. Il pourrait surtout fournir le Sénégal de riz, qu’il produit en abondance, et que tous les noirs du Sénégal préfèrent au nôtre.

Il est rare de voir des chevaux dans le Bambouk ; quelques chefs de village en possèdent, mais ils s’en servent rarement. On croit généralement que ces animaux ne peuvent pas y vivre, et la vue d’un cavalier cause toujours de l’étonnement chez les Malinkés. Cependant, dans mon voyage, sur les cinq chevaux que j’avais avec moi, aucun n’a été arrêté un seul instant. Les gens du pays assurent que les feuilles d’un certain arbre, en tombant dans l’eau, la corrompent au point de donner la mort aux animaux qui en boivent, et il est reçu dans tout le haut pays que l’eau du Bambouk possède des propriétés malfaisantes. J’ai constaté le fait, et il est certain pour moi que cette cause réside dans les gisements métallifères.

Les ânes sont les seules bêtes de charge employées par les caravanes ; ces animaux supportent les longues marches, résistent aux privations et sont faciles à nourrir.

J’ai vu peu de bestiaux : depuis longtemps les troupeaux ayant été enlevés par les saints marabouts, compagnons d’Al-Hadji.

Rincops ou veuve au collier d’or et rincops flaeirostris (voy. p. 35).

Les moutons sont de la race du Fouta-Djalon ; ils sont très-petits et ne vivent qu’en pays de montagnes : on en fait le plus grand cas. Quant aux bœufs, le petit nombre que j’ai rencontrés étaient très-beaux et bien supérieurs à tous ceux que les Maures amènent sur nos marchés. Depuis les invasions à Alhadj, le commerce a perdu toute son importance dans le Bambouk. La crainte des Talibas et de quelques villages qui mettent à profit ces temps de trouble pour assaillir les caravanes, retient chez eux les dioulas ou marchands qui avaient coutume de venir tous les ans aux comptoirs du fleuve.

Bamba, le chef de Kholobo, me pria instamment de demander au gouvernement un poste pour son village, afin de garder le pays et d’y protéger le commerce. Comme il connaissait notre campagne de Guemou, il aurait voulu qu’on vînt aussi détruire les villages dont il avait lieu de se plaindre.

En dépit de ses sollicitations, du besoin qu’il a de nous, et des visites que son fils a faites à nos postes du bas du fleuve, je fus loin d’être traité chez lui comme son fils l’avait été à Kéniéba. Il s’efforça d’obtenir de moi tout ce qu’il put, et ne me donna rien gratuitement. Enfin il voulut me retenir malgré moi dans son village. Il avait cependant consenti, après de longs pourparlers, à me laisser partir avec un de ses fils qu’il me donnait pour guide, et je devais quitter Kholobo le 30, surlendemain de mon arrivée. Mais, au moment du départ, tous les gens du village arrivèrent en armes, et le chef, après m’avoir encore engagé à demeurer chez lui, ne voulut me laisser partir qu’en échange de nouveaux cadeaux ; je fus obligé d’en passer par où il voulut, puis je me mis en route.


Des bords de la Falémé à ceux du Sénégal. — Intérieur du Bambouk. — Retour. — Les cataractes de Gouïna et de Félou.

J’allais m’engager dans l’intérieur du pays, et je n’avais que de mauvais renseignements sur la population des villages ; au dire de tous, je devais rencontrer des gens d’Al-Hadji ; mais, tenant compte des exagérations si