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un promenoir dont les bons religieux durent faire leurs délices. L’Alcazar de Séville, l’Alhambra de Grenade n’offrent rien qui soit plus merveilleusement travaillé, et ses fontaines et ses fleurs, et son air délaissé lui donnent une poésie qui vous jette dans des mouvements d’enthousiasme, qu’il serait malaisé de définir, auxquels il serait plus difficile encore de se soustraire.

Et maintenant arrêtons-nous. Ce n’est pas en effet d’une monographie complète qu’il s’agit ici. Mais avant de quitter Batalha dont il resterait sans doute plus d’un coin à fouiller et à décrire, s’il était possible de tout voir et de tout raconter en une fois, admirons encore l’ensemble de ce noble édifice, manifestation éclatante de l’art religieux et chevaleresque du quatorzième siècle. L’esprit peut en concevoir de plus vaste, de plus complète ; il ne saurait en rêver exprimant mieux la grandeur, la majesté, le mystère et le calme. Il respire la paix et la douceur, le silence et le repos, et si avec ses ombres tièdes, ses lumières amorties, il semble avoir revêtu une teinte de mélancolie, celle-ci a des charmes inexprimables qui ravissent le cœur jusqu’aux portes d’or du ciel.


XXI
Portail de la Casa do Capitulo. — Dessin de Thérond d’après une photographie de M. Lefèvre.

Nous étions partis à pied de Leiria, un peu avant le lever du soleil, donnant à Christoval la commission de nous amener des montures et nos bagages à Batalha. Nous pensions arriver le soir même à Alcobaça. Christoval fut exact au rendez vous. Seulement, n’ayant pas jugé les chevaux procurés par l’hôtelier de Leiria capables de fournir une bonne traite, il s’était contenté de prendre une mule, qu’il chargea des malles et des paquets, pensant que Batalha offrirait un grand choix d’animaux pour la remonte de notre cavalerie. Or les premières tentatives que nous fîmes pour trouver des bidets furent complétement infructueuses, et les secondes prouvèrent que si dans un chef-lieu de district des chevaux à peu près équipés sont rares, dans une bourgade ils sont tout à fait introuvables. Par une heureuse inspiration, M. Smith eut la pensée d’aller confier notre embarras au curé de Batalha. Ce respectable ecclésiastique nous accueillit avec une parfaite bienveillance, et commença par nous confirmer la radicale indigence des écuries du village. Il promit néanmoins de nous mettre en selle le jour même, pourvu que notre domestique se chargeât de porter une lettre à Leiria, au curé de Nossa Senhora da Penha de França. Dans cette lettre il priait son collègue de lui expédier les meilleurs chevaux de sa paroisse. Christoval reprit au galop de sa mule la route de Leiria. Le curé était absent et se fit attendre longtemps ; il rentra cependant au presbytère,