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tionnaient les systèmes d’irrigation, défectueux et incomplets en bien des points ; si nos laboureurs avaient en main de meilleurs outils aratoires, avec plus de bras dans les campagnes, plus de gros et petit bétail, plus d’ardeur au travail, moins d’esprit de routine, l’agriculture pourrait profiter des encouragements qu’elle reçoit du gouvernement et répondre aux sacrifices que la nation s’impose. Alors au lieu d’importer des grains pour notre subsistance, nous en approvisionnerions les marchés des contrées moins bien favorisées que celle-ci[1].

« Je ne parle pas des oranges, des citrons, des limas, des cédrats, des grenades, vous savez que ces beaux et excellents fruits, le charme et l’élégance de vos tables les plus opulentes, sont ici à l’état vulgaire ; les indigents s’en régalent. Nous avons aussi les variétés d’oliviers les plus appréciées. Malheureusement la récolte du fruit se fait de la manière la plus absurde et la plus barbare. Le paysan ne se donne pas la peine de monter dans l’arbre pour cueillir l’olive à la main : armé d’un gros bâton, il frappe à coups redoublés sur les branches jusqu’à ce que le fruit soit à terre. Quant aux autres espèces d’arbres, les châtaigniers, les figuiers, les pruniers, les amandiers, les cognassiers, les mûriers, les pins, les chênes-liége, etc., on les rencontre à peu près partout.

Université de Coïmbre. — Dessin de Catenacci d’après une photographie de M. Seabra.

« Le maïs est l’une de nos productions les plus importantes et les plus exploitées. Si nous étions au temps de la moisson, il me serait aisé de vous faire assister à la fête que les paysans se donnent à cette occasion. Règle générale, le jour de la récolte, lorsque le maïs est coupé, chaque fermier réunit chez lui, le soir, ses connaissances et ses intimes des environs. Les femmes, assises en rang, égrènent le maïs, les hommes apportent des corbeilles vides, enlèvent celles qui sont pleines, et chacun à son tour, homme ou femme, accompagné par la guitare et le violon, chante un couplet improvisé où les absents et les absentes ne sont pas épargnés. À la sortie, si quelqu’un se croit autorisé à prendre fait et cause pour un ami ou une amie, trop vertement attaqué, les coups tombent dru comme grêle sur l’auteur du quatrain inconvenant. C’est très-amusant. Lorsqu’un homme a trouvé un épi de maïs rouge, il s’empresse de l’offrir à l’une des jeunes filles de la société qui se laisse prendre, de bonne grâce, par réciprocité de galanterie, deux gros baisers sur les joues. Après le travail, les chansons reprennent de plus belle, les danses commencent, on mange, on rit, on boit, et le matin surprend ordinairement la fête au plus fort de son animation.

« Il serait aussi à souhaiter que vous vissiez une Romaria. C’est une fête moitié religieuse, moitié profane, très-populaire, principalement dans le nord, où il n’est pas rare de voir réunies, à cette occasion, ]usqu’à vingt mille personnes des deux sexes. Inaugurée par un feu d’artifice (nos pyrotechniciens sont très-ingénieux), elle se poursuit avec des sauteries et des chansons. Vient en-

  1. Le gouvernement a fondé six fermes-modèles, deux écoles régionales à Coïmbre et à Evora, et un institut agricole à Lisbonne. Il a aussi créé, en 1852, des concours agricoles dans tous les districts administratifs. Le gouvernement dispose également chaque année d’une somme d’argent, soit pour envoyer quelques élèves à l’étranger étudier les travaux publics et l’agriculture, soit pour faire venir en Portugal des agronomes spéciaux et pratiques.

    On estime que la production en céréales est de 86 880 000 boisseaux. Le Minho seul en produit 17 623 253. Si les autres parties du royaume offraient les mêmes résultats, la production générale serait de 231 505 195 boisseaux. En 1854, le Portugal possédait 2 420 000 individus de la race Ovine, et 13 têtes de gros bétail par 100 habitants. Le maïs exporté, en 1856, du Minho en Angleterre, a représenté la somme de 1 076 070 fr. Le Portugal renferme 913 741 têtes de la race porcine, 70 000 chevaux et 162 000 ânes ou mulets. Le nord du royaume exporte annuellement, pour l’Angleterre, 10 000 douzaines d’œufs.