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VOYAGES DANS L’AMÉRIQUE SEPTENTRIONALE,

PAR M. L. DEVILLE.




ÉTATS-UNIS ET CANADA[1].
TEXTE ET DESSINS INÉDITS.
1854 — 1855


New-York. — Broadway. — Les hôtels. — Panorama général. — Le cimetière de Greenwood. — Les prêcheurs sur la place publique. — L’aqueduc du Croton.

À peine installé à l’Hôtel de Florence, j’eus hâte de parcourir la ville, l’impériale cité, comme disent les Américains, la première du nouveau continent, la troisième du monde chrétien par ses richesses et sa population.

La curiosité me fit promptement descendre dans Broadway, la principale rue de New-York. Quelle affluence de monde et de voitures ! Combien de gens courant à leurs affaires ! Quelle activité ! Le Strand à Londres, la rue de Tolède à Naples, peuvent seuls rivaliser avec Broadway sous le rapport du bruit et du mouvement ; mais comme longueur et régularité cette rue est sans pareille. Les boutiques, qui s’ouvrent sur ses deux côtés, ne le cèdent en rien aux plus belles de Paris ou de Londres. Le magasin le plus considérable, qui appartient à un riche Irlandais, occupe tout entier une immense construction en marbre blanc. Elle s’élève auprès du parc et compte six étages de hauteur.

L’hôtel de ville, gracieux édifice aussi en marbre, est entouré d’une petite promenade publique, qui porte en dépit de son peu d’étendue le nom prétentieux de parc. Non loin de là, est l’hôtel d’Astor, l’un des plus anciens et des plus importants de New-York ; il date de 1836. Sa façade construite en granit présente un aspect imposant mais un peu lourd. À peu de distance, Barnum a ouvert son musée, surmonté du pavillon américain et placardé de pompeuses annonces. Dans la rue on aperçoit de tous côtés des affiches énormes ; nulle part la réclame n’est poussée aussi loin qu’à New-York. Voici la Bourse, vaste édifice en granit, qui a coûté neuf millions de francs ; mais, qu’est-ce que cela dans une ville ou la douane est bâtie en marbre blanc, sur le plan du Parthénon d’Athènes.

À l’extrémité de Broadway se trouve une promenade plantée d’arbres. La tour des Signaux, gracieux monument également en marbre blanc, s’élève non loin du confluent de l’Hudson et de la rivière de l’Est.

De ce point partent plusieurs bateaux à vapeur pour Brooklyn et Staten-Island. En face de soi on aperçoit le fort Colombus qui commande l’île du Gouverneur. À droite et à gauche s’étendent à perte de vue les rangées de maisons qui bordent l’Hudson et la rivière de l’Est. Une foule de navires traversent la vaste baie de New-York. L’activité commerciale ne se montre nulle part d’une façon aussi saisissante, si ce n’est à Londres et à Liverpool.

Il faut être touriste ou flâneur pour trouver du plaisir à marcher à pied dans Broadway. Une foule d’omnibus la sillonnent dans toutes les directions. Une foule active se presse sur tous les trottoirs ; il me semble que je me laisse entraîner par l’exemple, et me voici marchant rapidement jusqu’à Canal-street, qui forme la limite de la ville des affaires.

J’entre dans la portion relativement nouvelle de New-York. Les maisons me semblent encore plus belles, et bientôt j’arrive devant l’hôtel Saint-Nicolas, remarquable par sa façade, toujours en marbre blanc. Il a six étages de haut et soixante-dix mètres environ de largeur, sur autant de profondeur. À peu de distance on voit l’hôtel de la Métropole, qui présente quatre-vingt-dix mètres de façade. Celui-ci est construit en pierres de taille et le premier étage repose sur des colonnes de fer. Le théâtre Niblo fait partie de cet hôtel. À partir de Houston-street toutes les autres rues perpendiculaires à Broadway portent les noms de première, deuxième, etc., ainsi de suite. On compte maintenant soixante de ces rues larges et régulières ; chaque jour on en bâtit des nouvelles ; qui sait quel chiffre elles atteindront dans quelques années ? New-York, qui renfermait déjà au moment de mon passage près de six cent mille habitants, en comptait en 1860 plus de huit cent mille et sa population continue à s’accroître rapidement.

Le parc de l’Union, orné d’une fontaine et de plusieurs rangées d’arbres, est situé à l’extrémité de Broadway. Chemin faisant, j’ai vu plusieurs temples peu remarquables et appartenant à différents cultes. Derrière les vitrines des boutiques on aperçoit tous les produits de l’industrie humaine. Il y a plusieurs vastes librairies et notamment celle d’Appleton ; mais combien sont rares les magasins de tableaux ou de bronzes d’art ! J’ai remarqué seulement quelques toiles, du reste, fort médiocres. Le peuple américain ne s’occupe encore que de fonder et de meubler sa maison, plus tard il devra penser à son embellissement ; c’est alors que les arts fleuriront. Puissent-ils un jour parvenir à cette perfection qu’ont atteinte le commerce et l’industrie dans les États-Unis !

Dans plusieurs rues de New-York on a établi des

  1. Suite. — Voy. page 236.