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À chaque instant ces hauteurs changent d’aspect et leurs profils présentent plusieurs bizarres silhouettes. Un immense rocher qui atteint quatre cents mètres de hauteur, a été nommé le Nez de Saint-Antoine à cause de sa forme parfaitement nasale. Sur le promontoire de Verplanck on voit les ruines du fort La Fayette destiné à défendre le passage de l’Hudson, très-peu large en cet endroit. Nous entrons ensuite dans les baies de Haverstran et de Tappan, formées par l’expansion du fleuve. On croirait traverser deux vastes lacs ; en effet, l’Hudson atteint sept à huit kilomètres de largeur devant Sing-Sing, petite ville bâtie au confluent de la rivière Croton. Sur une colline au bord de l’Hudson, s’élève un vaste édifice, haut de cinq étages. C’est la prison de l’État de New-York, un de ces pénitenciers au régime cellulaire que nos codes modernes ont emprunté au nouveau monde ; elle peut contenir un millier de condamnés.

Les palissades de l’Hudson. — Dessin de Paul Huet d’après M. Deville.

Mais déjà nous atteignons Piermont. La rive droite du fleuve forme ici une muraille escarpée de cent soixante dix mètres environ de hauteur et qui a reçu le nom de palissades. On dirait en effet les murs en ruines d’une immense forteresse. Ces rochers ressemblent beaucoup, d’apparence du moins, aux basaltes qui forment en Irlande la célèbre chaussée des Géants. Les résidences champêtres qui se multiplient sur la rive de l’Hudson signalent l’approche de la grande ville. Les bateaux à voile et à vapeur deviennent plus nombreux, et de longues flottilles sont mises en mouvement par de puissants remorqueurs.

Bientôt nous longeons une interminable ligne de quais bordés de navires pressés les uns contre les autres ; enfin notre vapeur s’arrête devant un embarcadère encombré de marchandises ; nous sommes à New-York, dont les innombrables constructions débordent déjà de toutes parts les limites de la pointe continentale qui fait face à Long-Island.

Nous avons franchi deux cent soixante kilomètres de rivière en dix heures. Jamais voyage ne m’a semblé aussi court et aussi intéressant. Impossible de peindre tous les sites pittoresques et le prodigieux mouvement commercial que chaque tour de roue déroulait pour ainsi dire devant nous.

L. Deville.

(La suite à la prochaine livraison.)