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ne recueillit aucun indice ni de l’origine du navire ni de ceux qui l’avaient monté.

Le cap Tamar est un affreux enchevêtrement de blocs entassés les uns sur les autres dans les positions les plus bizarres ; tout, dans ces masses granitiques, atteste un ancien bouleversement : les roches sont brisées, fissurées, renversées, enchevêtrées de la façon la plus bizarre.

Des arbustes aux branchages serrés et touffus, entrelaçant leurs rameaux, présentent le curieux phénomène de ponts naturels sur lesquels nous traversons les crevasses et les ravins. Mais point de ces grands et beaux arbres que nous admirions à Port-Famine et à Saint-Nicholas. La montagne n’est plus tapissée, à quelques dizaines de mètres au-dessus de sa base, que de mousses et de lichens, ou même se montre tout à fait nue.

Nous allons laisser le détroit de Magellan pour nous engager dans les canaux latéraux de la côte de Patagonie, et notre voyage n’y perdra rien en pittoresque.

Entrée de la baie Forescue. — Dessin de E. de Bérard d’après l’atlas de Dumont d’Urville.

Quelques mots maintenant sur la météorologie du pays que nous venons de parcourir.

J’ai avancé avant de commencer le récit de ce voyage que le climat des rivages magellaniques n’était point aussi rigoureux qu’on se le figurait généralement, et je n’ai cessé depuis de parler de neiges et de glaces, et cela dans les mois de juillet et d’août ! Voilà une bien grave contradiction ! Le lecteur voudra bien réfléchir tout d’abord qu’il est transporté dans l’hémisphère sud, et par conséquent en plein hiver à cette époque, et en outre se donner la peine de lire les quelques lignes suivantes où l’éloquence des chiffres parlera plus haut que toute autre assertion.

Nous avons mis treize jours à franchir le détroit ; la moyenne thermométrique de ces treize jours a été de deux degrés neuf dixièmes au-dessus de zéro. La température minima a été de trois degrés au-dessous de zéro. La température maxima a été de sept degrés au-dessus de zéro.

Entrée de la baie de Saint-Nicholas. — Dessin de E. de Bérard d’après l’atlas de Dumont d’Urville.

Au cas où la moyenne barométrique pourrait intéresser quelque honorable membre de la Société de météorologie, la voici : 746.6.

Ajoutons qu’il y a eu quatre jours de neige, trois de pluie, un de grêle, et les autres jours un temps superbe. Mais j’entends déjà quelque météorologiste me dire que des observations aussi restreintes ne prouvent rien. À la bonne heure ! Mais il en a eu de plus considérables faites en 1828 à l’observatoire établi à Port-Famine, par les capitaines Parker-King et Fitz-Roy.

En juin on a vu le thermomètre se maintenir quelque temps à onze degrés au-dessous de zéro. Ce fut le minimum observé.

Ainsi le mois de juin a été le plus froid cette année-là, et on remarquera que ce mois et le suivant sont les plus rigoureux chaque année.