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Nous avions tout d’abord aperçu un feu au fond de la baie ; puis le lendemain matin un autre feu s’alluma sur l’un des îlots. Bientût une pirogue s’en détache ; elle se dirige vers nous ; deux femmes la font mouvoir avec des pagaies, trois hommes sont accroupis autour d’un petit foyer circonscrit par du sable et des galets qui préservent de l’incendie la frêle embarcation faite d’écorces d’arbre soutenues et reliées par des branches pliées en demi-cercle. Ces sybarites et leurs esclaves sont couverts de peaux de bêtes qui, à chaque mouvement, mettent à nu une partie de leur corps, car le vêtement est aussi simple que devait l’être celui de nos premiers parents, vierge de toute atteinte de l’aiguille et des ciseaux.

L’appât du biscuit décide les hommes à monter à bord pendant que les femmes gardent la nacelle ; elles ont le plaisir de nous examiner et de voir comment leurs maris s’y prennent pour manger du biscuit. Heureusement des âmes plus charitables que celles de leurs maîtres leur jettent leur part de festin.

Vigogne surprise par un couguar. — Dessin de L. Rouyer d’après nature.

Nos trois gaillards se familiarisèrent assez vite, mais sans perdre leur air d’étonnement et une grande disposition à la panique. C’étaient des hommes bien découplés, à larges épaules, à grosse face, et d’une taille que nous appellerions moyenne.

Des trois femmes, l’une paraissait avoir de quinze à seize ans, les deux autres de vingt-cinq à trente ; l’une d’elles avait une figure agréable et régulière, les deux autres étaient… « de celles dont on ne parle pas, » comme disent en France les femmes laides. C’étaient de fortes femmes, aux puissantes poitrines, et de taille ordinaire. Nous avions affaire à une famille de Pêcherais. Comme nous sommes appelés à en voir beaucoup d’autres, nous attendrons de nouvelles observations pour tracer un portrait plus complet et collectif en même temps.

L’un des sauvages que nous avions à bord et qui pa-