nouvelle épouse, lui font monter les marches qui conduisent à l’Iconostase dont les portes sont restées ouvertes[1] et le sanctuaire brillamment illuminé, puis après les génuflexions obligées, la conduisent donner un baiser aux saintes images, mais sans pénétrer dans l’intérieur, où les femmes ne sont pas admises. Le lendemain, les nouveaux époux vont ensemble à la messe, mais alors ils sont confondus avec le reste des fidèles.
Les enterrements sont aussi l’objet d’un grand déploiement de pompe. Le cercueil, d’une forme élégante, est orné de passementeries, de clous et de poignées d’or et d’argent, recouvert à moitié d’un tapis d’une étoffe précieuse dont ces métaux forment le tissu[2]. Le cortége est précédé par une longue suite d’hommes portant des lanternes. Le char funéraire est découvert, à deux ou plusieurs chevaux, suivant la fortune ou le rang du décédé. Parfois le cercueil est porté à bras, soit que la haute position sociale du défunt leur ait acquis un grand nombre de clients, soit, s’il dirigeait un grand établissement, par ceux qui furent ses subordonnés ou ses obligés : dans ces deux cas, chacun se fait un devoir de supporter le corps, ne fût-ce qu’un moment. Le chemin que doit parcourir le cortége est semé de branches d’arbres verts ; un nombreux clergé l’accompagne, et la prière descend encore sur la tombe. Lorsque les dernières cérémonies sont accomplies, l’assistance se transporte dans une maison attenante au cimetière où un repas funéraire est préparé ; le festin se prolonge assez longtemps, il est toujours abondant, recherché même, du moins ceux auxquels j’ai assisté, chacun peut y prendre part, et je ne voudrais pas répondre que tous les convives eussent personnellement connu ceux auxquels je rendais les derniers devoirs. Les femmes, du reste, accompagnent leurs morts jusqu’à la demeure dernière, presque toujours elles font cette longue route à pied ; les cimetières sont situés à grande distance du centre de la ville, et la nécessité aidée de la tradition explique ces funèbres agapes.
Deux fois j’ai vu l’empereur suivre à cheval le convoi de deux vieux serviteurs ; l’un était un général, fils naturel du grand-duc Constantin Pavlovich, l’autre avait été grand veneur, une des grandes charges de la couronne ; leurs noms m’échappent. Il était touchant de voir le maître absolu de tant de millions d’hommes rendre hommage à cette égalité qui commence au tombeau en se mêlant à la foule qui suivait ceux que la mort avait frappés, et le respect que l’on témoignait à ceux qui n’étaient plus était augmenté par la présence du souverain qui s’associait à cette funèbre cérémonie.