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sons à pignons pointus sont hautes, fort étroites et toutes peintes en blanc ; elles donnent de loin à cette cité l’aspect d’un camp. Notre consul nous avait préparé un logement chez un riche marchand de poissons secs où nous trouvâmes d’excellents lits, délice auquel nous n’étions plus accoutumés depuis longtemps. Quand, le matin venu, nous descendîmes chez notre hôte, vieux garçon dont le ménage était tenu par une gouvernante, il débuta par nous montrer une table couverte de volailles froides, de bouteilles et de cigares de Havane, en nous priant d’user du tout selon notre bon vouloir. La ménagère nous fit ensuite parcourir la maison de la cave au grenier, ainsi que les richesses du magasin consistant en une immense montagne de morues sèches dont le parfum pénétrait toute l’habitation. En mettant la tête hors de la fenêtre au faîte du pignon de la maison, je pus me faire une idée du coup d’œil pittoresque qu’offre la ville de Bergen, cité hollandaise entourée de montagnes suisses et peuplée de quarante mille habitants, tous plus ou moins pêcheurs, tous marchands de morues ou de harengs. Au pied de la maison était amarrée une barque de pêche au long cours, dont la forme et les proportions rappellent l’époque des Vikings qui jadis ravageaient les côtes de l’Europe méridionale.

Le marché aux poissons de Bergen. — Dessin de M. de Saint-Blaise.

Vers l’automne, lorsque les pêcheurs de morues rentrent de leur expédition annuelle dans les régions du nord avec leurs barques chargées, les marchands qui veulent faire de bonnes affaires avec eux sont forcés de les loger et dorloter pendant tout leur séjour à Bergen ; ces marins font alors bombance et se dédommagent de toutes les privations essuyées. Comme ils reviennent annuellement à la même époque, chaque marchand veut surpasser son voisin en prévenances pour attirer chez lui vendeurs et marchands.