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tinguer une grande baignoire creusée dans le roc, où trois Turcs sont en train de se faire bouillir avec un flegme tout à fait britannique. M. Bourlier veut essayer de la vertu de ces eaux ; mais il en sort presque aussitôt à moitié suffoqué et rouge comme un homard. Il prétend que l’eau merveilleuse lui a donné un mal de tête épouvantable : probablement elle n’a de vertu que sur les Turcs.

Un bateau digne des sauvages nous transporte sur l’autre rive : c’est tout simplement un énorme tronc de noyer creusé.

Anatolie. — Fig. 1. Pelle pour le vannage. — Fig. 2 et 3. Machine à battre. — Fig. 4. La machine en position. — Dessin de Pelcoq d’après J. E. Dauzats.

Le premier village que nous rencontrons le lendemain est Seraï-Keni ; peu d’endroits nous ont présenté des ruines plus nombreuses et plus intéressantes. Un vaste espace est envahi par les débris d’un vieux château auquel les traditions locales rattachent de curieuses légendes et des souvenirs probablement fort amplifiés par l’imagination des indigènes. De tous côtes gisent des tronçons de colonnes, et des pierres énormes dont les ornements, à moitié détruits, attestent l’existence de monuments importants. Une fontaine surtout, un peu mieux conservée que le reste, mérite l’attention : j’y remarque sur une large pierre des traces d’armoiries que le temps n’a pas entièrement effacées, et un lion en relief qui n’a éprouvé que quelques dégradations sans importance. Je voudrais m’arrêter là quelque temps, mais nous avons une longue route à faire, nous sommes sous un soleil ardent, et il faut marcher en avant pour chercher une source ou quelque ombrage. Ce n’est qu’après quelques heures d’une marche des plus pénibles que nous atteignons le petit village de Aren. Nous apercevons un certain nombre de femmes. À la vue de nos uniformes, elles se dispersent et prennent la fuite ;. ce n’est qu’à grand’peine que nous pouvons les rejoindre, les rassurer et leur demander les provisions dont nous avons besoin. Leur frayeur disparaît bientôt : elles nous mènent a l’oda[1] et nous apportent du pain, du lait et du

Coupe de chariot. (Voy. p. 158.)
  1. Construction grossière destinée à servir d’abri aux voyageurs.