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regard des soldats les plus paresseux que j’aie admirés de ma vie. Je ne dois pourtant pas en médire, ne serait-ce que par reconnaissance de l’eau délicieuse qu’ils me donnaient à boire quand, après avoir bien battu la poussière des rues voisines, je m’arrêtais un instant sous leur hangar officiel…

Guillaume Lejean.




La suite de cette relation ne nous est pas encore parvenue. M. Guillaume Lejean qui, nous venons de l’apprendre, a dû quitter Khartoum le 28 novembre dernier pour commencer l’exploration du haut Nil Blanc, décrira, sans aucun doute, l’Atbara dans le récit de son voyage entre Kassala et Khartoum : les deux vues de cette belle rivière que nous reproduisons, d’après les esquisses jointes à sa lettre, témoignent assez que telle est son intention. Cependant, pour que ces deux gravures ne restent pas ici entièrement dépourvues de texte explicatif, nous empruntons à l’ouvrage de M. Charles Didier, intitulé : Cinquante jours au désert, quelques lignes qui se rapportent à l’Atbara.

Vue de l’Atbara au gué de Guerhat. — Dessin de Karl Girardet d’après une esquisse de M. Guillaume Lejean.

Après avoir traversé une chaîne de collines basses, l’ouadi Hammed et le grand village du même nom habité par les Soukrias, d’origine arabe, M. Charles Didier atteignit le bord de l’Atbara. « Cette rivière, dit-il, qui coule à cent pas du village, descend des montagnes d’Abyssinie, où elle porte le nom de Tacazé, et, après un cours de quatre à cinq cents lieues, partie sur le territoire abyssin, partie sur le Soudan oriental, se jette dans le Nil aux environs de Damer, dans la Haute-Nubie. Elle était alors fort basse, mais elle double et triple de volume à la saison des pluies. Des buttes de terre boisées courent de chaque côté, et les deux rives sont bordées en cet endroit de pins chevelus dont la crinière verdoyante pend sur les eaux. La rivière était du plus beau bleu et d’une parfaite limpidité. De nombreux troupeaux s’y venaient abreuver sous la conduite de bergers noirs et nus, dont les cris de ralliement se mêlaient au bêlement des brebis… »

M. Charles Didier remonta le lit en partie desséché de l’Atbara, passa la rivière à gué et entra dans la fameuse île de Méroé, siége et berceau de l’antique civilisation éthiopienne.