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VOYAGE À LA NOUVELLE-CALÉDONIE[1],

PAR M. VICTOR DE ROCHAS.
1859


Description de la Nouvelle-Calédonie. — Culture. — Climat.

La Nouvelle-Calédonie, terre française depuis l’année 1853[2], est une grande île de l’océan Pacifique, située entre vingt degrés dix minutes et vingt-deux degrés vingt-six minutes de latitude sud, et entre cent soixante et un degrés trente-cinq minutes et cent soixante-quatre degrés trente-cinq minutes de longitude est.

Sa longueur est de soixante-six lieues, et sa largeur moyenne de dix[3].

Elle est couverte de montagnes, dont les chaînes se dirigent dans le sens de sa longueur, et dont l’orientation est par conséquent celle de l’île elle-même, c’est-à-dire qu’elles sont dirigées obliquement du nord au sud et de l’est à l’ouest. Ces montagnes sont modérément élevées ; les points culminants atteignent jusqu’à douze cents mètres environ.

Sur un sol aussi accidenté, les cours d’eau sont nécessairement en grand nombre ; la plupart sont mal encaissés et sujets à des débordements.

Les marais sont très-nombreux.

Le sol est partagé en pâturages et en forêts ; cependant les marécages, peuplés de rhizophorées[4], occupent une étendue totale assez vaste pour entrer en ligne dans ce partage.

Enfin les environs des villages sont cultivés et bien cultivés. Le taro, l’igname, la canne à sucre, le bananier, la patate douce sont les objets principaux de cette culture. Les plantations de taro sont celles qui méritent le plus d’attention.

Pour ce qui regarde la faune, je me contenterai de mentionner l’absence de batraciens et celle presque complète de reptiles[5]. Je ne dois pourtant pas négliger de signaler l’apparition accidentelle des sauterelles. Quand elles s’abattent en légions innombrables sur quelque localité, la campagne est promptement dégarnie de feuillage, comme si un souffle de mort l’avait soudain flétrie. Les déjections de ces nuées d’insectes couvrent la terre, comme le ferait une pluie de sable, et contribuent, avec la corruption de leurs cadavres, à infecter l’air. Heureusement ce fléau n’arrive qu’à de longs intervalles ; il n’a pas fait apparition depuis plus de dix ans.

En Nouvelle-Calédonie, comme dans tous les pays intertropicaux, l’année se partage en deux saisons : l’hivernage, ou saison des pluies et des chaleurs, et la saison sèche ou fraîche.

La première commence dans les premiers jours de janvier et finit en avril, la seconde comprend le reste de l’année. Comme on le pense bien, la transition de l’une à l’autre ne se fait pas brusquement, en sorte qu’on pourrait admettre deux saisons intermédiaires ou demi-saisons de courte durée représentant le printemps et l’automne.

La moyenne annuelle de température est entre vingt-deux et vingt-trois degrés centigrades au-dessus de zéro. On peut dire que de mai en novembre la température est très-douce et très-agréable pendant le jour et fraîche pendant la nuit. Les mois les plus frais sont ceux de juillet et août, les mois les plus chauds sont ceux de janvier et février.

Les rosées sont peu abondantes en Nouvelle-Calédonie, comparativement à ce qui se passe dans la plupart des autres pays intertropicaux. Les orages sont très-rares et n’ont guère lieu qu’au commencement de l’hivernage, alors que les premières pluies, tombant sur un sol depuis longtemps échauffé, déterminent un dégagement abondant de vapeurs, source principale de l’électricité atmosphérique en tous climats ; ils sont d’ailleurs peu violents.

L’alizé d’est-sud-est est le vent généralement régnant.

L’époque des pluies est aussi celle des calmes, qui ne sont jamais de longue durée et arrivent ordinairement au coucher du soleil ; c’est aussi celle des vents irréguliers.

Le mois de janvier est celui des ouragans, qui sont heureusement rares ; ils sont loin d’avoir la violence de ceux des Antilles et autres pays, où ils portent la désolation.

En somme, le climat de la Nouvelle-Calédonie laisse peu à désirer sous le rapport de la salubrité. L’hivernage compte à la vérité des journées de chaleur très-forte, mais il est rare qu’une brise bienfaisante ne la tempère pas. La différence de chaleur du jour à la nuit oscille dans des limites assez restreintes, et, si elle suffit

  1. Nous nous proposons de publier plus tard une exploration complète de la Nouvelle-Calédonie ; mais nous n’avons pas voulu tarder plus longtemps à entretenir nos lecteurs de cette île, l’une des plus récentes conquêtes de la France. Nous ne voulons du reste donner ici que quelques notions préliminaires d’une incontestable exactitude, et nous ne pouvons les puiser à de meilleures sources qu’aux deux mémoires de M. le docteur Victor de Rochas, chirurgien de marine, qui ont paru en 1859 et en 1860. — Nouvelle-Calédonie : anthropologie (Revue algérienne et coloniale). — Essai sur la topographie hygiénique et médicale de la Nouvelle-Calédonie.
  2. M. Fevrier des Pointes, commandant en chef des forces navales de l’océan Pacifique, a pris possession de la Nouvelle-Calédonie le 25 septembre 1853. Le 29 du même mois, le pavillon français fut aussi planté sur l’île des Pins, dépendance de la Nouvelle-Calédonie.
  3. Le mille marin français est, de même qu’en Angleterre et en Italie, de dix-huit cent cinquante-deux mètres.
  4. Porte racines, genre, type rizophora : palétuvier ou manglier.
  5. Il y a seulement, en effet, quelques lézards et quelques serpents de mer qui fréquentent aussi le rivage.