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tes, de leurs récits naïfs, de leur indomptable dureté à la fatigue.

Le dimanche soir nous quittions Haegland, et après un mille dans la plus sauvage des forêts de pins, nous débouchions sur la vallée du Nordsjö ; au loin brillaient d’un éclat singulier des toits resplendissants ; nous approchons : c’étaient les toits de grandes serres ; un peu plus loin un château du meilleur style, des pelouses et des corbeilles de roses, de grands tilleuls et toute une colonie de femmes élégantes assises nous une véranda… à trois lieues d’un pays à ours. Ces contrastes sont perpétuels en Norvége ; les propriétaires d’usine, gens fort riches, condamnés à passer toute l’année dans ces déserts, s’y installent avec luxe et presque toujours avec goût. Ainsi Ulefoss, petit village, plein de scieries alimentées par une puissante chute, à deux de ces habitations princières.

Fjord de Gudvangen (voy. p. 89). — Dessin de Doré d’après M. Riant.

Il est onze heures du soir ; à deux heures du matin, après avoir côtoyé le lac, nous entrons à Skien qui dort du plus profond sommeil, quoique le soleil soit déjà haut sur l’horizon.

Cette ville, placée entre la mer et le lac Nordfsjö, est l’entrepôt de tous les bois du Télémark. Le mouvement y est plus grand encore qu’à Drammen. Au pied d’une falaise à pic s’étendent de longs docks de bois, encombrés de marchandises ; de tous côtés les chevaux traînent des poutres qu’ils ont retirées du fleuve pour les porter aux scieries. La ville n’a d’autre pavé que la sciure de bois, amassée là par les années ; aussi est-il défendu d’y fumer sous les peines les plus sévères, un cigare oublié dévorerait des millions.