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Il nous fait renoncer à nos projets de séjour qui ne s’accordent point avec la bizarrerie des départs du Saint-Olaf, petit vapeur qui fait le service du Bandak. Nous convenons de laisser nos carrioles à la poste. Nos irons en barque jusqu’au bout du lac, à Dalen, ou le Saint-Olaf est à l’ancre. Le lendemain nous reviendrons avec lui, et il prendra à bord nos carrioles qui se trouvent conduites au petit port d’embarquement. Nous déjeunons, et par une pluie d’orage, nous nous embarquons sur le lac.

L’orage dure deux heures. Le lac, enfermé entre deux hautes chaînes de montagnes, résonne des coups multipliés du tonnerre. La pluie tombe à flots ; mais la petite barque glisse sur l’eau et, deux heures après, aborde à Laurdal.

Vue du lac Bandak. — Dessin de Doré d’après M. Riant.

Rien de ravissant comme ce coin solitaire. Quelque riche bourgeois l’a choisi pour s’y bâtir une demeure confortable, au milieu d’un grand parc de sapins. À côté, une chute fait aller quelques scieries. En face, s’ouvre une vallée fertile ; c’est un paradis en miniature.

Vers cinq heures du soir, nos bateliers nous déposaient dans une prairie inondée où finit le lac et où commence la vallée de Bandal.

Un groupe de cinq ou six maisons y forment le hameau de Dalen. Le Saint-Olaf est à l’ancre en rade. Nous faisons porter nos sacs à une maison de bois que nos bateliers décorent du nom de restaurant à la carte (spise-korter). En réalité, c’est une maison de paysan, et la carte se compose de l’höre classique et des pommes de terre qui constituent en Norvége un repas de première classe. En attendant qu’on le prépare, nous partons à pied pour le fameux Ravnedjupet, Ravin des corbeaux, qui se trouve dans la vallée, à deux lieues de Dalen.

Le Ravnedjupet est célèbre dans les contes du Télémark ; la tradition prétend que ce gouffre rejette sur ses bords, par la seule force du vent qui y tourbillonne, tout ce qu’on y jette.

En réalité Ravnedjupet n’est qu’un site horriblement sauvage, surtout alors qu’il n’est éclairé que par les lueurs tramblotantes du crépuscule norvégien.

Paul Riant.

(La fin à la prochaine livraison.)