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mortel ? Et ma femme a été prise de la fièvre treize fois Cieux ! quelle existence ! »

C’est près de Sainte-Marthe que mourut Bolivar. En véritable Anglais, notre voyageur ne manqua pas d’aller visiter la petite et simple villa où le 17 décembre 1830, le célèbre héros de l’indépendance rendit le dernier soupir.

Carthagène, où il alla par mer en quittant Sainte-Marthe, est une plus belle ville, mais elle est aussi en pleine décadence. « Elle n’est ni si désolée ni si morte que Sainte-Marthe. Les boutiques y sont ouvertes sur les rues, comme dans toutes les autres villes ; on voit quelques hommes et femmes à l’occasion sur la place, et il y a quelque commerce de volailles, sinon d’autre chose.

Je rencontrai à Carthagène une famille du pays qui faisait un voyage, de Bogota au Pérou. En regardant une carte, on devrait croire qu’un voyage de Bogota à Buenaventura, sur le Pacifique, est facile et court. La distance à vol d’oiseau (à vol de condor, devrait-on dire plus exactement ici) ne serait que de deux cents milles environ. Et pourtant cette famille, où l’on comptait une vieille femme, était venue à Carthagène, après être restée vingt jours en route ; il lui restait à faire un long voyage de mer jusqu’à l’isthme et la traversée jusqu’à Panama, et à faire encore un voyage de mer sur le Pacifique. Le fait est qu’il n’y a aucun moyen de faire le voyage par terre, sauf par quelques chemins d’une extrême difficulté. Bogota est à trois cent soixante-dix milles de Carthagène, et on peut à peine faire le voyage en moins de quatorze jours. »

De Carthagène, M. Trollope se rendit par mer à l’isthme et débarqua à Aspinwall, d’où part le chemin de fer qui va à Panama. Aspinwal a pris le nom d’un des négociants de New-York qui ont exécuté cette ligne si importante malgré sa petite étendue. C’est une petite ville misérable encore, malsaine, mal située, qui ne doit l’existence qu’au chemin de fer et à l’immense trafic dont elle est devenue le centre en peu d’années.

La Baie de Panama. — Dessin de M. de Bérard.

La construction du chemin de fer de Panama a été, malgré la petite distance de cette ville à Panama, une entreprise des plus ardues : la difficulté principale a été le défaut de main-d’œuvre.

« La ligne a été percée à travers une forêt continue, et sur la plus grande partie du trajet, le long de la rivière Chagres. Rien ne pouvait être plus malsain que de tels travaux, et en conséquence les hommes périssaient rapidement. Le taux élevé des salaires avait attiré ici beaucoup d’Irlandais, mais beaucoup y trouvèrent leur tombeau. On essaye des Chinois, mais ils étaient tout à fait incapables d’un tel travail, et, quand ils se trouvaient trop malheureux, ils avaient la mauvaise habitude