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montagne, et en pénétrant dans les couloirs étroits d’où s’écroulent au printemps des avalanches de neiges et de pierres, on finit par atteindre une terrasse de pâturages d’où la vue s’étend librement sur la vallée du Vénéon. À plus de mille mètres de profondeur, immédiatement au-dessous du rebord de la terrasse, apparaît le torrent bleuâtre serpentant au milieu d’un champ de pierres, alluvions de l’ancien lac que retenait’effroyable digue du clapier. En face l’immense écroulement se montre dans toute sa hauteur. Ce n’est rien moins qu’une moitié de montagne formant, avec ses fragments de toutes les dimensions, un demi-cône de débris aussi élevé que le Vésuve, et barrant complètement la vallée de son énorme talus. Sur la face du mont resté debout, on voit en partie l’escarre blanche de laquelle s’est détaché ce chaos formidable de pierres. Un léger brouillard de vapeurs et les couches d’air vaguement azurées jettent un voile transparent sur les rochers épars de la base ; à droite et à gauche du clapier, des ruisseaux descendus des neiges supérieures bondissent dans la vallée du Vénéon et secouent au vent leurs ondoyantes cascades : on n’aurait soi-même qu’à faire un pas pour tomber de chute en chute dans l’abîme effrayant, si profond qu’il semble appartenir à un autre monde.