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vingt et cent cinquante mètres ; et parfois le torrent y dispute à la route l’espace dont il a besoin. Ces jeux, ces caprices de la nature, sont aussi charmants qu’extraordinaires. Ce qui donne aux parois de cette gorge un aspect tout particulier, ce sont les gracieux bouquets de verdure qui les décorent ; de toutes les fentes, de toutes les corniches, pendent de vigoureux arbustes ou des fleurs odorantes. Le cri du pluvier domine par moments les murmures des eaux et les bruissements du feuillage. Tous les sens sont ravis à la fois. Comme le moine de la légende dont le sommeil dura mille ans, on oublierait aisément les heures dans cette gorge solitaire, à contempler les tableaux qui s’y déroulent incessamment aux regards, à respirer les senteurs embaumées des plantes, à écouter les chants des oiseaux.

Le charme cesse toutefois si l’on continue trop longtemps sa promenade ; la gorge s’élargissant prend une direction droite, les rochers qui s’abaissent perdent leurs formes pittoresques, la culture reparaît. Dans le fond de ce bassin vulgaire se dresse la montagne d’Ambel aux pentes rapides, aux flancs déchirés, à la base de laquelle se tapit le village d’Omblèze qui a donné son nom à la vallée. Mais, si au lieu de continuer à remonter le ruisseau, nous le descendons, d’autres curiosités nous attendent.

La vallée de la Véoure et la plaine du Rhône vues des hauteurs de la Vacherie. — Dessin de Karl Girardet d’après M. A. Muston.

Peu de temps, en effet, après être sortie des gorges d’Omblèze, la Gervanne, parvenue sur le bord d’un escarpement de quarante mètres de hauteur environ, s’élance d’un bond dans l’abîme ou ses eaux, tout à, l’heure si calmes sous un épais berceau de saules, se brisent en écume avec le bruit de la foudre. Cette belle cascade se nomme la Druïse. Quelle description pourrait valoir la gravure qu’en ont faite, d’après un dessin de M. A. Muston, MM. Français et Lavieille (voir page 393) ?

Au-dessous de la Druïse, la vallée de la Gervanne, plus large, devient par conséquent moins intéressante ; mais, en revanche, deux curieuses montagnes en forment les deux versants : l’une, celle de la rive gauche, domine le village d’Ansage qui lui a pris son nom ; l’autre, celle de la rive droite, s’appelle le Velan et porte sur ses flancs herbeux et boisés le village de Plan-de-Baix. Ces deux montagnes se distinguent de toutes celles que nous avons vues jusqu’ici par les crêtes abruptes, les arêtes vives des grands et beaux rochers arides de leur sommet ; quand le soleil les dore de ses plus chauds rayons, leur couleur éclatante fait un contraste saisissant avec les teintes, plus foncées et plus pâles tout à la fois, des tapis de gazon ou des bois qui s’étendent en pente douce de leur base jusqu’au fond de la vallée.

Le Velan ne doit pas seulement nous attirer par lui-même de son côté, bien qu’il ne soit pas sur notre route. Au-dessus et au-dessous de Plan-de-Baix, nous avons, comme en témoigne la gravure de la page 394, deux