Page:Le Tour du monde - 02.djvu/341

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

près avec de courtes lances qu’ils gardent à la main, et, suivant l’expression des Arabes, « ils manœuvrent comme « les Francs. » Formant un corps de plusieurs milliers d’individus, ils marchent sur quatre ou cinq lignes de profondeur et s’efforcent d’envelopper l’ennemi. Il est rare qu’ils se débandent ; en cas d’échec, ils se retirent, et leur défaite n’est jamais une déroute. Pas de cri de guerre parmi eux, pas de tumulte au moment du combat ; les ordres se transmettent par le sifflet, et le silence est observé dans les rangs. Le chef, dont l’enseigne est un tabouret d’airain, s’assied pendant la bataille. Il est assisté d’un conseil de quarante ou cinquante membres qui l’entourent pendant le combat ; son pouvoir est du reste fort limité, si l’on en croit la tribu, qui se vante de son autonomie.

« Après la lutte, les Ouatouta ne s’occupent ni des blessés, ni des morts, et n’emportent comme trophée de leur victoire aucun des restes de leur ennemi. Hospitaliers en dépit de leurs brigandages, ils accueillent l’étranger avec honneur, et lui demandent tout d’abord s’il les a vus de loin, c’est-à-dire s’il a entendu parler de leurs prouesses ; la réponse négative est, dit-on, un casus belli envers la tribu à laquelle appartient l’ignorant.

Le bassin du Maroro (voir la carte). — Dessin de Lavieille d’après Burton.

« Citons pour mémoire, parmi cette population lacustre, les habitants de l’Oubouha, gens inoffensifs dont le district est simplement une clairière au milieu des jungles, et qui, malgré leur pauvreté, préfèrent la rassade à toute autre chose. Ils sont laids, crépus et noirs, s’habillent de peaux de bête ou d’écorce, et ne quittent jamais leurs armes, ce qui ne les empêche pas d’être opprimés par leurs voisins. Enfin il faut noter les Ouahha qui, dispersés par les Ouatouta, se sont réfugiés les uns entre l’Ounyanyembé et le Tanganyika, les autres dans les montagnes de l’Ouroundi. Beaucoup mieux de visage que les précédents, la peau infiniment plus claire, ils n’en sont pas moins méprisés. Suivant les Arabes, ils viennent des régions du sud, où la traite a son siège le plus ancien dans l’est de l’Afrique. Du reste, ils se vendent fort cher à Mséné, et leurs chefs de noble origine descendent à ce qu’il paraît des rois de l’Ounyamouézi[1]. »



Installation à Kaouélé. — Visite de Kanéna. — Tribulations. — Maladies. — Sur le lac. — Bourgades de pêcheurs. — Ouafanya — Le chef Kanoni. — Côte inhospitalière. — L’île d’Oubouari. — Anthropophages. — Accueil flatteur des Ouavira. — Pas d’issue au Tanganyika. — Tempête. — Retour.


« Mon premier soin, dès que je fus installé dans la maison d’Hamid, à Kaouélé, fut d’en purifier l’intérieur en y brûlait de la poudre et de l’assa fœtida ; j’en réparai la toiture, et avec l’assistance d’un ouvrier de la côte, je me fis en bois deux espèces de divans qui me servirent de siège et de table ; enfin j’établis une banquette d’argile tout autour de la chambre. Mais ce dernier meuble ne fut qu’à l’usage des fourmis, dont les légions s’y pressaient chaque matin ; la toiture, malgré la couche supplémentaire dont nous l’avions enduite, n’en laissa pas moins

  1. C’est parmi les sauvages riverains de l’extrémité méridionale du Tanganyika que le jeune voyageur allemand Roscher, qui venait d’explorer les rives encore ignorées du Nyassa et l’espace non moins inconnu qui sépare ce lac du Tanganyika, a été lâchement assassiné pendant son sommeil au commencement de la présente année (1860).