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d’espèces diverses, des pastèques, d’excellents champignons, du lait, de la volaille et du tabac. Quant à l’industrie des indigènes, elle se borne à la fabrication de nattes communes, d’un peu de cotonnade, de fourneaux de pipes et d’objets en fer.

« Comme on doit s’y attendre, d’après la population qui l’occupe, Mséné est un lieu de débauche où l’orgie est en permanence. C’est l’unique endroit de cette région où l’on tire du palmyra une boisson fermentée, et chaque jour tout le monde y est ivre, depuis le chef et son conseil, jusqu’au dernier esclave ; le tambour ne cesse de battre, et la danse remplit tous les instants que n’absorbe pas le festin. Les gens de la côte ne peuvent pas s’arracher aux délices de cette Câpoue africaine, et ce fut avec une difficulté incroyable que je parvins à remettre les nôtres en marche après douze jours de résidence. Chacun d’ailleurs s’effrayait du voyage, et se sentait moins disposé que jamais à en affronter les périls. Sur la route que nous allions suivre, les villages sont plus rares, plus mal construits, et fermés aux caravanes. Comme dans le Guzérat et le Deccan, la terre après la pluie n’est plus qu’une fange noire et visqueuse ; le ciel disparaît sous des nuages violacés, qui fondent en averses torrentielles, et au milieu de cette couche d’herbe en décomposition, les sentiers linéaires sont criblés de trous qui, à chaque pas, menacent de vous engloutir.

Noir de l’Ouganda. — Dessin de Gustave Boulanger d’après Burton.

« Huit jours après notre départ du Mséné, la caravane arrivait à Kajjanjéri, l’effroi des voyageurs. Là, saisi de frisson, le corps paralysé, les membres traversés d’aiguilles brûlantes et me refusant leur concours, le tact perdu, tandis que la douleur s’exaspérait, je vis s’entr’ouvrir les sombres portes qui mènent à l’inconnu. On se