devions revenir l’année suivante prendre possession du pays. Heureusement pour nous que plusieurs petits Ouagogo vinrent au monde sains et saufs, pendant notre passage ; si par malheur un enfant ou un veau fût mal venu, je ne sais pas comment se serait opéré notre retour.
« Le 5 octobre, nous partions de Kifoukourou et nous arrivions au centre du Kanyényé, défrichement qui peut avoir dix milles de diamètre ; c’est une aire d’argile rouge, émaillée de petits villages, d’énormes baobabs, de mimosas rabougris, où les troupeaux abondent, où le sol est aussi cultivé que le permet son caractère nitreux, et où l’eau potable est rare, la majeure partie de celle qu’on y trouve étant imprégnée de soufre. Nous y passâmes quatre jours, dont la caravane profita pour faire provision de sel, et le capitaine Speke pour tuer quelques antilopes, des pintades et des perdrix. De nombreux éléphants habitent la vallée qui sépare l’Ougogo des montagnes des Ouahoumba ; mais c’est en général un triste pays de chasse. Dans tous les endroits cultivés la grosse bête a fui devant les flèches et la cognée des habitants ; elle abonde, il est vrai, dans les plaines boisées du Douthoumi, dans les jungles et les forêts de l’Ougogi, les steppes de l’Ousoukouma, les halliers de l’Oujiji ; mais sans parler des miasmes putrides qui s’y exhalent, le manque de nourriture, la difficulté d’y avoir de l’eau ne permettent pas de séjourner dans ces régions mortelles. Pas de chariots qui servent à la fois d’abri, de véhicule et de magasins, comme dans les plaines du sud ; pas de vaisseaux du désert, pas d’autre moyen de transport que l’homme, indocile, entêté, défiant et peureux, dont il faut supporter la sottise et flatter les caprices ; enfin vous ne trouvez pas dans l’Afrique orientale cette variété qui distingue la faune du Cap. La liste des animaux que nous rencontrâmes n’est pas longue : nous avons aperçu les cornes du pazan, le caama, le steinbok, le springbok et le pallah, qui furent tués de loin en loin ; toutefois le souyia, une petite antilope fauve, à cornes minuscules et de la taille d’un lièvre, et le souangoura, un peu plus gros que le springbok, sont moins rares. L’ornithologie ne se montre pas beaucoup plus riche ; les oiseaux qui la composent ont, pour la plupart, une livrée sombre, et leur ramage, plus bruyant qu’harmonieux, est peu agréable pour un Européen, peut-être parce qu’il lui est étranger.
« Le 10 octobre, nous nous trouvâmes sur une grande plaine herbeuse, rayée de cours d’eau ensablés qui se dirigent vers le sud, et que borde une végétation aromatique ; le soir nous entrions sur un terrain mouvementé qui limite la plaine à l’ouest, et gravissant une côte pierreuse et couverte d’épines, nous nous arrêtions sur le plateau qui la couronne. Les ânes tombaient, les gens maugréaient, la soif et le manque d’eau avaient aigri tout le monde. Transis par le froid (le thermomètre marquait à peine douze degrés centigrades), nous repartîmes au point du jour, et nous nous arrêtâmes dans une clairière du district de Khokho. Les Béloutchis refusaient d’escorter nos bagages, et confiaient aux échos leurs griefs en quatre langues différentes, pour que personne ne pût en ignorer ; ils allaient même jusqu’à parler de désertion.
« Suivant les Arabes, ce territoire est l’un des plus