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d’Asie que ces longues galeries couvertes, bordées de boutiques où toute la population se porte depuis le matin jusqu’au soir. Les boutiques de marchands d’étoffes toujours assiégées par des troupes de femmes, les ateliers de chaudronniers avec leur tapage étourdissant, les armuriers avec leur public de cavaliers, les libraires entourés de graves moullahs, les restaurateurs occupés du soir au matin à faire griller sur des charbons leurs appétissantes brochettes de kébab ou mouton rôti, et à cuire, dans des myriades de petits pots noirs, les soupes à la viande que les gens du peuple idolâtrent, tous ces attraits divers amènent un monde fou, au milieu duquel circulent lentement les hommes à cheval, les mulets et les chameaux chargés. Les Persans se passeraient de tout au monde plutôt que de cesser d’aller au bazar. Je n’en suis pas surpris, et, si j’étais à leur place, je penserais de même. C’est le domaine souverain de la conversation, de l’anecdote, du propos bon ou mauvais, et le grand réceptacle de tout ce qui se dit. Enfin c’est un lieu qui respire le désœuvrement et la bonne humeur d’un peuple heureux de n’avoir à faire que ce qu’il veut, et que la nature a cependant créé remuant.

Nous admirâmes beaucoup aussi le collége. Je lui trouve le mérite d’être construit tout nouvellement. L’architecture en est bonne et curieuse. Les jardins (car, en Perse, la science est assez péripatéticienne et ne se passe pas de beaux ombrages) sont bien dessinés et bien entretenus. On nous dit que les professeurs étaient savants ; sans avoir pu en juger, je n’ai pas de peine à le croire, vu la réputation littéraire de la ville.

Entrée de Kaschan. — Dessin de M. Jules Laurens.


De Kaschan à la plaine de Téhéran. — Koum. — Feux d’artifice. — Le pont du Barbier. — Le désert du Khavèr. — Houzé-Sultan. — La plaine de Téhéran.

Nous regrettâmes notre jardin de Fyn plus encore que l’Imarêt-è-Sadr d’Ispahan. Mais comme les regrets ne changent rien au train du monde, nous n’en partîmes pas moins de ce joli séjour, et nous fîmes dans le désert une journée que la sévérité des lieux et une chaleur raisonnable rendirent suffisamment austère. Nous marchâmes quatre heures, et nous arrivâmes à Schourab, très-triste endroit. Le lendemain on ne fit que trois heures et demie jusqu’à Pamyngan.

À Koum, tout nous parut fort bien. Les bazars sont vastes, et il y a de belles maisons avec de grands jardins. La ville a un certain air provincial qui ne déplaît pas. Koum est une ville sainte. Sa mosquée, fort grande, est ornée d’un dôme tout doré et de construction moderne très-élégante. C’est là qu’est enterré Feth-Aly-Schah, en compagnie de Son Altesse Fathmèh, sainte très-vénérée des Persans. À ce titre, Koum jouit d’une bonne réputation dévote. Nous avions nos tentes préparées dans un