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La ville de Magwé. — Musique, concert et drames birmans.

Magwé, peuplée de huit à neuf mille âmes, est la plus grande ville que nous ayons encore vue en ce pays. Il y avait sur la plage deux ou trois cents bateaux de toute forme et de toute grandeur. Selon le wondouk, la ville renferme trois mille maisons, et ce chiffre ne nous sembla nullement exagéré.

En approchant de Magwé, nous vîmes un joli spécimen de pont birman : les Birmans sont bien plus avancés que les Hindous dans ce genre de construction ; il est rare de ne pas rencontrer de pont là où les débordements empêchent la circulation.

Harpe birmane.

La longueur de ces ponts est souvent excessive ; leur construction ne m’a jamais semblé varier. Des pilotis en bois de teck de douze et treize pieds de long, des traverses qui se fixent aux pieux par des mortaises, un plancher solide, une balustrade souvent élégamment sculptée, voilà tout ce qu’on exige d’un ingénieur birman. Les pilotis, enfoncés sans l’aide du mouton, résistent pourtant au courant.

Les chaumières des faubourgs étaient en bon état ; presque toutes avaient un large porche en treillage, qui, recouvert de plantes grimpantes, formait un frais berceau d’ombre et de verdure.

Les principales maisons de la grand’rue étaient occupées par des soldats dont les armes étaient rangées le long des verandahs. De nombreux chevaux circulaient dans les rues ; c’était la monture de la milice du pays, convoquée sans doute pour notre arrivée.

Les boutiques étaient veuves de leurs marchandises, et la population avait un air d’inquiétude qui est peu dans le caractère des Birmans ; notre présence semblait les préoccuper.

Nous ne rencontrâmes aussi que très-peu de femmes, ce qui n’est pas l’habitude du pays. C’est la seule fois que nous nous soyons aperçus de ce manque de confiance ; mais les femmes ne se montrèrent plus en grand nombre que dans le voisinage de la capitale.

En sortant de la ville, nous nous trouvâmes dans une campagne ouverte, ondulée et divisée en enclos par des haies de jujubiers morts. La principale culture était le sésame. L’aspect des routes et des champs nous montrait un degré de civilisation auquel nous ne nous attendions pas.

Du bord de notre bateau à vapeur, nous avions remarqué une masse sombre de toitures s’étageant les unes sur les autres ; c’étaient deux immenses monastères, d’une construction solide et simple, une chapelle (thein) et enfin une pagode. Le tout, y compris de vastes terrains, était entouré d’une grossière palissade de bois de teck de sept à huit pieds de haut.

Le thein était le monument le plus remarquable et le plus richement sculpté que nous ayons encore rencontré : ce n’est que dans les environs d’Amarapoura que nous avons vu des monastères le surpassant ; plutôt encore par la richesse que par le goût de l’ornementation.

M’étant mis à en faire un croquis, je fus aussitôt entouré d’une foule de moines et de profès, tous très-joyeux, mais aussi très-questionneurs. Quand je demandais à l’un d’eux de poser pour que je pusse le représenter dans mon dessin, il s’approcha à toucher mon visage, et je ne pus lui faire comprendre qu’il était trop près.

Harmonica birman.

Le soir, nous fîmes connaissance avec le drame birman, distraction qui prendrait grande place dans ma narration, s’il me fallait raconter ceux dont nous avons été journellement gratifiés pendant tout notre voyage.

Le gouverneur avait ordonné une exhibition de marionnettes et un drame régulier et classique ; comme c’était la première fois qu’on nous faisait une politesse de ce genre, le major Mac Phayre, l’ambassadeur, y exigea notre présence.

Nous avions un orchestre birman au grand complet, composé d’instruments très-curieux, et qui, je crois, sont particuliers à la Birmanie.

Le principal instrument, tant au point de vue du volume que du son, est le pattshaing ou tambour-harmonica. C’est une espèce de châssis circulaire, en forme de baquet, d’environ trente pouces (soixante-quinze centimètres) de haut sur quatre pieds et demi (un mètre cinquante centimètres) de diamètre. Ce châssis consiste en espèces de douves curieusement sculptées, qu’on maintient les unes près des autres à l’aide d’un tenon qui s’introduit dans une mortaise taillée dans un cercle. À