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singulièrement, ce fut de retrouver parmi ces dépouilles, celle d’un monstrueux serpent que j’avais tué quelque temps avant de pénétrer dans la Sierra-Wah : je ne me trompais pas, c’était bien son affreuse tête percée de mes deux coups de feu.

La case du jugement. — Dessin de J. Pelcoq d’après un croquis de l’auteur.

Au centre brûlait un brasier homérique, dont la fumée sortait par l’ouverture pratiquée, comme toujours, au sommet de la hutte.

Deux Indiens armés de leur tomahawk, gardaient la porte du conseil, et comme les cris de la foule curieuse semblaient gêner les chefs, ils donnèrent ordre qu’une peau d’ours fût jetée en guise de portière sur l’ouverture. D’abord ils commencèrent par la cérémonie du calumet, le chef le plus âgé ayant décrit un cercle sur la terre et l’ayant entouré de signes cabalistiques, y fit apporter un charbon ardent auquel il alluma le calumet national qu’il offrit au grand manitou, au soleil, à la terre et aux quatre points cardinaux ; les autres chefs le regardaient faire d’un air fort sérieux. Ensuite le calumet leur fut remis à tour de rôle ; nul d’entre eux ne s’en servit de la même manière, car chacun d’eux s’était engagé par serment devant le manitou de fumer d’une façon unique pendant le cours de son existence. À mon grand regret le calumet ne me fut point offert ; mais à sa place on me montra un tomahawk teint du sang ennemi, qui était, je crois, l’arme du bourreau. Un guerrier le leva avec ostentation sur ma tête ; heureusement il sut s’arrêter dans son mouvement ; car j’avais les bras toujours attachés derrière le dos, et ma tête eût volé en morceaux, s’il l’avait laissé retomber sur elle.

Cette cérémonie achevée, on alla replacer le tomahawk de guerre au-dessus d’une affreuse peinture tracée sur une écorce de bouleau fixée aux parois de la hutte. Cette peinture représentait grossièrement le soleil, astre dans lequel les Timpabaches croient que le grand esprit réside.

La squaxv de l’Indien blessé par moi fut ensuite introduite, et celui des chefs qui avait ouvert la séance l’interrogea sur ce qu’elle savait au sujet du fait qui m’était reproché ; je vis bien d’abord que la pauvre squaw me plaignait au lieu de me charger ; je lus dans ses yeux et dans ses gestes qu’elle plaidait ma cause autant que sa position d’épouse du blessé le lui permettait.

Je compris aussi qu’elle racontait la scène du combat contre l’ours, et comment je les avais sauvés tous d’un péril certain. À la déposition de la squaw, une teinte de bienveillance éclaira le visage des membres du conseil, et après un débat assez animé, le grand chef m’adressa en espagnol les questions suivantes :

« Pourquoi le visage pâle est-il venu dans ces régions déclarer la guerre aux Timpabaches ? Qu’il réponde. Le grand chef de cette nation attend qu’il se justifie s’il le peut.