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gîte après avoir tué sur la montagne quelque menu gibier. Quand j’y arrivai, il était nuit close, et après un léger repas je me jetai sur mon lit de camp. La fatigue amena bientôt le sommeil. Vers les trois heures du matin, quand le sommeil fut devenu plus léger, je sentis quelque chose qui parcourait mon lit de campement et qui remuait d’une manière peu rassurante ; pensant que c’était un rat, je portai la main dessus au travers du sac, et, frissonnant d’horreur, je sentis la forme d’un serpent qui porta la tête vivement vers ma main ; d’un bond je fus hors de ma case et me dirigeai vers celle de mes voisins les Canadiens, auxquels je racontai ma mésaventure, et les engageai à me suivre à ma cabane. Rentré avec eux, je vidai le contenu de mon sac, d’où je vis s’échapper un serpent à sonnettes de la plus belle venue, qui alla se cacher sous un tronc d’arbre abattu près de mon jardin. Je voulus en approcher pour le considérer à mon aise ; mais le monstre oubliant que je l’avais réchauffé dans mon sein, se rua sur ma baïonnette que je lui présentais, et se mit à mordre le canon de mon fusil ; craignant qu’il ne me mordît moi-même, je mis le doigt sur la détente de ma carabine, et le coup ayant fait balle, il fut littéralement coupé en deux. Après l’avoir mesuré, nous pûmes constater sa longueur, qui dépassait quatre pieds deux pouces. Je lui coupai la queue à laquelle était adaptée une douzaine de petits grelots d’écaille, qui rendaient un son sec quand ils étaient mis en mouvement ; c’est ce que l’on appelle vulgairement la sonnette du serpent.

Un claim ou atelier de mineur. — Dessin de J. Pelcoq d’après les Reports of explorations.

Il paraîtrait que, sans y faire attention, j’avais fait entrer ce serpent dans mon sac de campement, chose facile à cette époque de l’année où ils sont engourdis par le froid et roulés sur eux-mêmes.

Dans ces contrées, nous avions encore un autre genre d’ennemi à craindre, qui n’avait pas besoin d’être introduit dans le logis, et qui savait bien y venir sans invitation, si l’on oubliait de fermer sa porte. Un certain soir de dimanche, comme je travaillais dans mon jardin, car je ne m’occupais de sa culture que tous les septièmes jours, je vis l’ombre d’une bête ressemblant à notre loup cervier d’Europe, et bondissant hors de ma case pour regagner la forêt ; ayant saisi mon fusil que j’avais près de moi, je le déchargeai sur l’animal qui, se sentant piqué par le plomb, lâcha un dindon sauvage que j’avais tué la veille tout en travaillant à mon claim ; c’était un coyotte, animal très-commun dans ces contrées ; il rôde constamment autour des placers pour se nourrir des détritus de toute sorte que les mineurs jettent sur la voie.

…On m’avait souvent parlé d’un marais très-giboyeux qui devait se trouver à six milles au sud de Nevada-City. Je fus tenté d’aller le visiter, et comme je venais de faire