Page:Le Tour du monde - 02.djvu/244

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Grass-Valley. — Dessin de J. Pelcoq d’après un croquis de l’auteur.


La solitude. — Mineur et chasseur.

Je me mis donc en quête des choses les plus nécessaires pour travailler ; d’abord j’achetai d’un Américain qui retournait à New-York, une cabane et tous les outils à l’usage du mineur. Je choisis un claim dans le haut de la vallée, où j’étais seul avec mes pensées. Ma cabane n’était ni vaste ni élégante, mais elle était commode, ce qui était le principal pour moi ; mes lecteurs ne seront peut-être pas fâchés d’en avoir la description. D’abord elle était située sur le bord gazonné et fleuri d’un ruisseau et adossée à un cèdre qui n’avait pas moins de vingt pieds de diamètre à sa base ; ma villa, bien moins large ne mesurait pas huit pieds sur les quatre faces ; sa maçonnerie consistait en branches de cèdre. Le toit était formé avec des planches du même bois, fendues à la hache, et qui, superposées les unes sur les autres comme des ardoises, me garantissait assez bien des intempéries de l’air. Au milieu j’avais un petit poêle de tôle, et pour batterie de cuisine un unique poêlon qui me servait aussi bien pour faire la soupe que pour rôtir mon gibier ; dans le fond de la cabane était mon lit de camp, formé de quatre pieux enfoncés en terre, et joints par quatre traverses sur lesquelles était clouée de la toile ; quant à la literie, elle se composait d’un sac de campement rempli de feuilles de chêne ; au-dessus de ma couche, à la tête, était placée, comme une égide, une miniature représentant les traits d’un être chéri ; de chaque côté étaient suspendus ma bonne carabine et mon revolver. Derrière ma cabane j’avais défriché un jardin que j’avais entouré d’une palissade de branches, et j’y avais semé des fleurs et des légumes de France, qui y poussaient merveilleusement ; près du jardin il y avait un petit four haut d’un pied et demi, dans lequel je faisais du pain que je trouvais délicieux. Le mineur auquel j’avais acheté ma cabane m’avait cédé aussi quelques provisions englobant entre autres denrées une quarantaine de livres de farine avariée, mais qui n’en était pas moins d’une immense valeur pour moi. J’avais découvert à environ un mille de mon habitation une petite société de quatre mineurs canadiens d’origine française, avec lesquels je me liai bientôt d’amitié ; quoique d’une éducation inférieure, c’étaient d’honnêtes jeunes gens ; j’ai toujours eu à me louer des relations que nous eûmes ensemble et j’ai été assez heureux pour faire leur fortune. Je crois déjà avoir dit la composition de mon lit ; or, un jour, par une belle après-midi de soleil, j’étais monté sur la colline, avec mon sac de campement et mon fusil sur l’épaule. Ayant trouvé une excavation remplie de feuilles sèches, j’y entrai jusqu’à la ceinture et me mis avec les pieds et les mains à en remplir mon sac ; je revins à mon