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d’une contrée totalement inconnue, et je me dirigeais avec bonheur vers la zone mystérieuse qui s’étendait devant moi.

« Nous avions traversé l’île basse où la ville de Say couve la fièvre, laissé derrière nous la branche occidentale du fleuve, alors entièrement desséchée, lorsque de gros nuages venant du sud, accompagnés d’un tonnerre effrayant, crevèrent sur nous, tandis que le sable roulé par la tempête couvrait la campagne de ténèbres et nous obligeait de nous arrêter. Au bout de trois heures nous nous remettions en marche, à travers une couche d’eau de plusieurs pouces, que la pluie avait déposée sur le sol. Tout le district, d’une fertilité médiocre, a été colonisé par les Sonrays ; il dépend de la province de Gourma, et les indigènes sont en guerre à la fois avec les colons et avec les Foullanes. Nous passons à Champaboule, résidence du gouverneur de Torobé ; la ville est presque déserte, et les remparts sont cachés par les broussailles. Après avoir traversé une rivière, nous entrons dans un district bien cultivé, dont les troupeaux appartiennent aux Foullanes, qui considèrent la vache comme l’animal le plus utile à la création. Un fourré de mimosas, çà et là un baobab, un tamarin, varient l’aspect des lieux ; on voit de nombreux fourneaux, de deux mètres de hauteur, qui servent à fondre le fer. Le sol devient inégal, se tourmente, et brisé par des crêtes de rocher ; le gneiss et le micaschiste dominent, de belles variétés de granite apparaissent, et nous arrivons au bord de la Sirba, rivière profonde, encaissée par des berges de six à sept mètres d’élévation. Pour la franchir, nous n’avons que les bottes de roseaux que nous nous hâtons d’assembler ; le chef et tous les habitants du village sont assis tranquillement sur la rive, d’où ils nous regardent avec un vif intérêt. La partie masculine des spectateurs a la figure expressive, les traits efféminés, de longs cheveux nattés, qui retombent sur les épaules, la pipe à la bouche, et pour costume une chemise et un large pantalon bleus. Quant aux femmes, elles sont courtaudes, mal faites ; elles ont la poitrine et les jambes nues, de nombreux colliers, et les oreilles chargées de perles.

Village sonray. — Dessin de Lancelot d’après Barth (quatrième volume).

« De l’autre côté de la rivière, la trace des éléphants et des buffles se rencontre à chaque pas ; l’orage nous surprend au milieu des jungles, qu’il transforme en nappe d’eau, et nous franchissons trois torrents qui se précipitent vers la Sirba. Un village, entouré de haies vives, interrompt la solitude ; nous voyons des champs de maïs, puis la forêt se referme ; le granite, le gneiss et les grès percent la terre, et nous entrons dans un district bien peuplé, dont le sol argileux fatigue beaucoup les chameaux. Nous atteignons enfin les murs de Sebba ; le gouverneur qui, devant sa porte, explique à la foule