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étaient chargés du tribut ; car la route allait devenir plus dangereuse, et ne permettait pas qu’on y aventurât les biens du trésor.

« Au sortir d’une forêt épaisse, on trouve les ruines de Monaya ; nous devions nous y arrêter, mais l’armée hostile y avait campé la veille, et nous rentrâmes dans la forêt pour n’en sortir qu’à neuf heures du matin. Zyrmi, que nous atteignîmes le jour suivant, est une ville considérable, dont le gouverneur était autrefois chef de tout le Zanfara. Cette province, peut-être la plus riche de cette région vers le milieu du siècle dernier, est divisée aujourd’hui en autant de gouvernements qu’elle renferme de villes fortes, et il est difficile de reconnaître les districts soumis aux Foullanes, des territoires qui sont restés aux païens.

« Après Badaraoua, marché important fréquenté par huit ou dix mille individus, le péril se compliqua de la proximité des Touaregs, qui ont des établissements dans toutes les villes de Zanfara.

Bac sur le Niger, à Say. — Dessin de Rouargue d’après Barth (quatrième volume).

« Le 31 mars, difficulté d’un autre genre : nous étions en face du désert de Goundoumi ; on ne peut le franchir que par une marche forcée, et Clapperton, cet esprit énergique, s’en souvenait comme de la traversée la plus accablante qu’il eût faite dans ses voyages. Nous commençâmes par nous égarer, en allant trop au sud, et nous perdîmes un temps précieux au milieu d’un fourré inextricable. Remis dans la bonne voie, nous marchâmes à travers la forêt pendant toute la journée, toute la nuit, sans avoir aucune trace humaine, et jusqu’à la moitié du jour suivant, où nous trouvâmes des cavaliers que l’on envoyait à notre rencontre, avec des outres pleines d’eau, afin d’aller secourir les traînards. Ceux-ci étaient nombreux ; et une femme était morte de lassitude, car la nécessité de garder le silence, pour ne pas trahir notre passage, nous avait privé des refrains joyeux qui d’ordinaire nous soutenaient en pareil cas.

« Nous fîmes encore deux milles, et nous aperçûmes le village où campait l’émir Aliyou, qui allait combattre les gens du Gober. Il y avait trente heures que nous marchions sans avoir repris haleine ; jamais je n’ai vu mon cheval aussi complétement épuisé ; les hommes, dont j’étais suivi, tombèrent en arrivant. Quant à moi, trop surexcité pour sentir la fatigue, je cherchai dans mes bagages ce que j’avais de plus précieux, afin de le donner à l’émir, qui devait partir le lendemain, et dont le succès de mon entreprise dépendait entièrement. La journée s’écoula, je n’osais plus espérer d’audience, quand le soir le prince m’envoya un bœuf, quatre moutons gras et deux cents kilogrammes de riz, en me faisant dire qu’il attendait ma visite. Aliyou me serra les mains, me fit asseoir et m’interrompit quand je voulus m’excuser de n’être pas venu à Sokoto avant d’aller à