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Village marghi. — Dessin de Rouargue d’après Barth (deuxième volume).


VOYAGES ET DÉCOUVERTES AU CENTRE DE L’AFRIQUE.

JOURNAL DU DOCTEUR BARTH[1].
1849 — 1855
Départ. — Aspect désolé du pays. — Les Chouas. — Mabani. — Le mont Délabéda. — Forgeron en plein vent. — Dévastation. — Orage. — Baobab. — Le Mendif. — Les Marghis. — L’Adamaoua. — Mboutouli. — Proposition de mariage. — Installation de vive force chez le fils du gouverneur de Soulleri. — Le Bénoué. — Yola. — Mauvais accueil. — Renvoi subit.

Dans sa dernière excursion, l’un des chefs de la frontière du Marghi, ayant enlevé les habitants de plusieurs bourgades auxquels prétendait le gouverneur de l’Adamaoua, celui-ci envoya un message au cheik du Bornou, afin de protester contre cet acte de violence, beaucoup moins dans l’intérêt des captifs que pour établir son droit de propriété. Barth allait explorer l’Adamaoua, il fut mis, par le cheik, sous la protection du chef de l’ambassade, et partit pour le sud le 29 mars 1851.

« Toujours très-pauvre, dit le voyageur, et pis que cela, fort endetté, j’avais nourri l’espoir d’emporter mes bagages avec un seul chameau ; ce fut impossible et de nouveaux embarras s’ensuivirent. Pour comble de misère, nos cauris, c’est-à-dire notre seul avoir, n’avait pas cours dans cette contrée. Overweg, qui m’accompagna jusqu’à ma seconde étape, offrit en vain ses coquilles en échange de quelques aliments, et ne parvint à se procurer une chèvre qu’en la payant avec la chemise de l’un de ses domestiques.

« Deux jours après notre départ, nous nous arrêtons à Ou’lo-Koura, village qui appartient à la mère du cheik. Tout le pays, à cette époque de l’année, prend un aspect lugubre ; entrecoupé de bas-fonds qui, pendant les pluies, forment de vastes étangs, il est couvert de masakoua (holcus cernuus) lorsque les eaux se retirent ; mais dépouillés de leurs récoltes, ces bassins argileux, d’un noir foncé, donnent au paysage un air de désolation indicible.

« Le lendemain la perspective est différente, sans devenir plus agréable : un sol aride et nu, couvert çà et là de halliers d’où surgissent des tamarins épars ; puis une forêt épaisse convertie en marais dans la saison pluvieuse ; aujourd’hui qu’elle est à sec, des gens du voisinage y creusent des rigoles afin d’emplir une fosse qui leur sert d’abreuvoir. Ce sont des Chouas[2] ; l’un d’eux est aussi

  1. Suite. — Voy. page 193.
  2. On appelle Chouas tous les Arabes fixés dans le pays et compris dans le chiffre de la population. Divisés par clans nombreux, ils sont deux cent cinquante mille dans le Bornou, et peuvent fournir vingt mille hommes de cavalerie. Agriculteurs une partie de l’année, la plupart ont des villages qu’ils habitent pendant la saison des pluies et du travail agricole. Nomades le reste du temps, ils errent avec leurs troupeaux.