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cachaient les grandes herbes, nous les avertîmes de se tenir sur leurs gardes, et nous poursuivîmes notre marche.

« Le soleil était brûlant ; toutefois une brise rafraîchissante vint rider la surface du lac et rendre la chaleur supportable. Nous aurions pu boire en nous baissant un peu, tant nous étions immergés ; mais l’eau très-chaude, et remplie de matières végétales, n’avait rien qui nous engageât à y porter les lèvres. Elle est néanmoins aussi douce que possible, et l’on a commis une erreur en disant que le Tchad devait avoir une issue, ou bien être salé. J’affirme le contraire : il est sans écoulement ; et je ne vois pas d’où ses eaux tireraient leur salaison, dans un district où le sel manque tout à fait, où l’herbe en est tellement dépourvue que le lait des brebis et des vaches qui la paissent est insipide et malsain. Dans les cavités qui entourent le rivage, où le sol est fortement imprégné de natron, il est certain que l’eau doit avoir un goût saumâtre ; mais à l’époque de l’année où celle-ci est noyée par le débordement du lac, il est probable que son âcreté n’est plus sensible.

Vue du lac Tchad. — Dessin de Rouargue d’après Barth (deuxième volume).

« De la crique de Melléla, nous prîmes à l’ouest, et après une marche d’une heure, moitié dans l’eau, moitié dans la plaine herbeuse, nous arrivâmes à Madouari. Le nom de ce village ne me disait rien alors ; il me rappelle aujourd’hui un tombeau. Madouri, du reste, au lieu d’être resserré comme la plupart des villes et des villages du Bornou, s’éparpillait au milieu d’une profusion de balanites et de baobabs, et tout y respirait l’aisance. Je fus conduit chez Fouli-Ali, dans la maison où dix-huit mois plus tard expirait Overweg, et dont le propriétaire devait périr trois ans après victime de la révolution de 1854. Quelle différence entre l’accueil joyeux que je reçus à cette époque, et celui qui m’attendait, lorsque je revins avec M. Vogel, en 1855, alors que la veuve du pauvre Fougo sanglotait à mon côté, pleurant la mort de son mari et celle de mon pauvre compagnon !

« Le lendemain matin nous étions à cheval au point du jour ; il faisait un temps superbe ; au loin se dessinait une ligne pure, que rien ne venait briser ; la plaine marécageuse s’étendait à notre droite, où elle se fondait avec le lac, et ravissait mes yeux en me présentant un horizon sans limites. »

Traduit par Mme  Loreau.

(La suite à la prochaine livraison.)